Cette semaine dans les Conseils : De Gaulle, Woman et La Communion.
De Gaulle : Alors que la guerre s’intensifie, que les défenses françaises s’effondrent et que le maréchal Pétain plaide pour un armistice avec l’Allemagne, le général Charles De Gaulle décide de quitter les siens pour lancer un appel à la Résistance depuis l’Angleterre.
Raconter la guerre des mots derrière celle des armes et l’intime se cachant derrière le symbole, tel est ici le double pari de Gabriel Le Bomin. Or, la question qui vient en sortant de la salle, après une heure cinquante à braver le potentiel coronavirus de nos voisins de siège, cloîtré devant ce déballé pseudo-historique un peu ramollo, est : était-ce bien nécessaire ?
Fallait-il ainsi vraiment chercher à raconter De Gaulle dans sa sphère intime, aller explorer derrière le mythe ? Dès la scène d’ouverture qui montre les époux De Gaulle se caresser tendrement au lit, on serait ainsi tenté de se dire que quelqu’un ici n’a pas eu la bonne idée en réfléchissant à ce film. Peut-être que la pilule aurait pu mieux passer si les enjeux avaient ici été mieux présentés et contrebalancés. Le Bomin propose de montrer la petite histoire à côté de la grande mais perd du même coup ce qu’il y aurait eu de plus passionnant à raconter en relayant les tractations politiques à de courtes scènes sans saveurs dispersées ici et là.
Le réalisateur s’étend à l’inverse largement sur les trajectoires parallèles de Charles et son épouses Yvonne durant leur séparation. Le fait est que le grand Charles ayant de son vivant tout fait pour dissimuler sa vie intime afin d’incarner au mieux son rôle de sauveur de la France, une grande partie des faits relatés ici tiennent donc de l’imagination du scénariste et diantre…ça se sent. Lambert Wilson, malgré ces très belles prothèses d’oreilles, peine à faire exister son personnage dans le quotidien. Réduit à un homme ordinaire, De Gaulle perd de sa prestance pour devenir étrangement anecdotique et donc somme toute assez peu passionnant à suivre. En définitive, on ne saurait conseiller De Gaulle qu’aux plus grands fans du général. Pour les autres, il existe environ un milliard de documentaires plus éducatifs et passionnants sur le sujet. M.P
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Woman : 2000 femmes se racontent, et font entendre, à travers la singularité de leurs histoires, une voix collective, forte et puissance, celle de toutes les femmes.
Avec Woman, Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand signent un documentaire essentiel à l’émancipation des femmes du monde entier, qui deviendra à n’en pas douter un incontournable. D’une justesse bouleversante, les témoignages se succèdent par dizaines : des femmes qui parlent d’elle, de leur vie, de leur corps, de leur traumatismes, de l’amour, de leurs difficultés, de leurs réussites, de la place qu’elles ont dans la société, de leur pouvoir, de ce qu’on attend d’elles, de leurs ambitions…
Parfois drôles, émouvantes souvent, leurs voix résonnent avec sincérité sur toutes les questions qui touchent à l’identité des femmes. Aucun sujet n’est laissé de côté dans cette réalisation qui met en lumière leur incroyable diversité. Alors qu’on ne cesse de vouloir les enfermer dans un modèle unique, une essence restrictive, selon des critères arbitraires qui se contredisent de décennie en décennie mais se perpétuent au fil des siècles, Woman redonne sa liberté aux femmes. Libres d’être qui elles veulent, libres de changer d’avis, libres de jouer avec les paradoxes imposés par la société ou de s’en délester pour de bon. Libres, malgré les violences, les agressions, le harcèlement, les diktats, les jugements, la peur, puissantes d’être là où elles sont malgré ou grâce au poids de leur histoire. Libres, parce qu’on donne enfin la parole à celles qui sont invisibles, et que les lignes continuent de bouger petit à petit. Woman est un coup au cœur, un bond de joie, un élan d’amour et de sororité qui redonne des forces pour les combats à venir. A.E
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La Communion : Daniel sort d’un centre de rétention. Malgré sa vocation pour les ordres, il ne peut intégrer un séminaire à cause de son casier judiciaire. Sur le chemin de sa nouvelle vie vers la menuiserie accueillant d’anciens détenus, il va prendre une autre sortie et se faire passer pour un jeune prêtre dans le village voisin.
La communion s’immisce dans l’histoire d’un petit village perdu de la Pologne, qui pourrait ressembler à ceux de nos campagnes : une communauté très proche de sa paroisse, des ragots, une poignée d’habitants qui dictent le pas aux autres, certains pestiférés.
Quand l’ordre établi est remis en cause, tout vacille. Daniel incarne cette nouvelle génération et tente d’insuffler un vent nouveau. Il est accueilli par le vieux prêtre qui profite de ce remplaçant venu du ciel pour partir se soigner. Livré à lui-même face à une curie qui ne cesse de se méfier de cet opportunisme, il va réussir à se frayer un chemin dans la foi et les maux des villageois. Le personnage de Daniel est un électron libre. Après avoir été enfermé probablement des années, il a soif de vie. Son interprète livre une performance habitée et aborde le thème de la réinsertion de manière originale. La fascination pour les ordres n’est pas amenée sous le couvert de la rédemption. Le jeune homme envisage sa reconversion en tant que prêtre pour la beauté de la transmission, pour la réflexion sur l’Homme qu’elle implique et la proximité des fidèles. Peut-être une manière de laisser ses propres problèmes dans le placard. Le film n’exploite pas cet aspect, bien qu’il soit sous-jacent. Et c’est probablement dans cette finesse du scénario que réside la force de La Communion. Jamais dans le cliché du genre et davantage centré sur la vie au jour le jour de son héros, le film se déleste d’un superflus psychologique et la voix du jeune résonne dans ses actes et prises de positions. Derrière ses sermons, il y a toujours un engagement politique. Daniel œuvre pour la justice dans le village. Une institution qu’il semble connaître et dont il souhaite reprendre le pouvoir. Être le porte-parole de Dieu, de la justice divine, c’est avoir une revanche sur une vie que ne l’a pas épargnée.
La Communion est un drame percutant qu’il ne faut sous aucun prétexte loupé en salle. C.L-L.
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Marine Pallec, Amandine Eliès et Clémence Letort-Lipszyc
De Gaulle
Réalisé par Gabriel Le Bomin
Avec Lambert Wilson, Isabelle Carré, Olivier Gourmet
Drame, France, 1h49
4 mars 2020
SND
Woman
Réalisé par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand
Documentaire, France, 1h48
4 mars 2020
Apollo Films
La Communion
Réalisé par Jan Komasa
Avec Bartosz Bielenia, Eliza Rycembel, Aleksandra Konieczna
Drame, Pologne, France, 1h58
4 mars 2020
Bodega Films