[CRITIQUE] Mignonnes

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Amy, 11 ans, emménage avec sa mère et son petit frère dans un nouvel appartement. À son école, elle fait la connaissance d’un groupe de danseuses qui se fait appeler les Mignonnes. Elle tente par tous les moyens d’intégrer leur cercle.

Avec son premier long-métrage, Mignonnes, la jeune cinéaste franco-sénégalaise Maimouna Doucouré reçoit la Mention Spéciale du Jury International à la Berlinale ainsi que le Prix de la Meilleure Réalisation au Festival de Sundance. Premier film français à être récompensé dans ce festival américain de films indépendants, Mignonnes traite de l’hypersexualisation du corps des femmes à travers le récit de quatre enfants. 

Amy et ses amies ont onze ans, à peine sorties de l’enfance, pas tout à fait en adolescence, elles se comportent pourtant comme des femmes. Elles dévoilent leur corps, se maquillent, et dansent de manière lascive et sensuelle. À l’arrivée dans l’école, Amy est fascinée par cet univers qu’elle ne connaît pas. Elle essaye de fuir un climat familial pieux et difficile — son père va épouser une deuxième femme qui va bientôt venir vivre avec eux. Avec son regard d’enfant, elle voit sa mère souffrir et porter un masque social. La pression que les femmes dans sa culture portent lui semble tout simplement trop lourde et injuste. Alors pour se libérer l’esprit, elle va libérer son corps. Avec des danses auxquels elle ne saisit pas l’impact, Amy va se sexualiser. Les vidéos, les images de ses femmes dénudées qu’elle trouve sur internet, elle ne comprend pas vraiment ce qu’elles signifient. Elle y voit des corps libres, pas le regard que la société porte dessus. La force de la mise en scène est de superposer les images de corps de femmes sexualisées sur le corps de jeunes filles. La caméra découpe et filme sciemment des fesses, des courbes naissantes, des seins inexistants, des mouvements gracieux et sensuels. Ce n’est pas le corps de femme que la cinéaste isole dans le cadre, mais bien d’enfant. Le malaise créé par la candeur et l’innocence des «?Mignonnes?» et les postures qu’elles miment est intelligemment orchestré. Cette ultra sexualisation est, par ailleurs, régulièrement — dans le récit même — confronté à des adultes qui l’approuve et y trouve même du plaisir : le vigile du laser game, le jury du concours de danse. Les seuls reproches sont faits par des femmes — celle du public à la fin et par la mère et la grand-mère d’Amy. Mais finalement, personne ne comprend ce qui se joue pour ces jeunes filles. Ce à quoi elles se confrontent en permanence dans notre société occidentale et moderne.  

Ainsi, si la dénonciation est efficace et assez novatrice, le film est malgré tout faible dans sa manière de raconter le reste de l’histoire. Nous n’arrivons pas nous sentir proches ni d’Amy ni des Mignonnes et encore moins à les comprendre. La pression sociale, la pression de l’école, tout cela nous paraît irréel et impossible tellement elles semblent marginales dans la narration. Les moments en classe ne suffisent pas pour capter la tension que subissent ces filles. Il en va de même pour les réseaux sociaux qui ne sont pas assez développés. Le récit est ainsi déséquilibré entre la dénonciation de l’hypersexualisation du corps d’enfants et les causes, les raisons de cette sexualité exacerbée. Le scénario aurait gagné en force en décrivant plus l’univers scolaire et sociétal, comme la cinéaste le fait avec brio pour l’environnement familial d’Amy. Mignonnes reste un premier film impressionnant qui aborde avec passion un sujet d’actualité trop souvent ignoré.

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Marine Moutot

Mignonnes
Réalisé par Maimouna Doucouré
Avec Fathia Youssouf, Medina El Aidi, Esther Gohourou
Drame, Comédie, France, 1h35
19 août 2020
Bac Films

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