Temps de lecture : 4 minutes
Pour sa troisième édition du 24 au 27 septembre, le Festival Newimages a réuni plus de 6?000 visiteur.euse.s en cinq jours de festival entre le Forum des Images et la Canopée aux Halles. Malgré la crise sanitaire actuelle, les spectateurs ont ainsi pu profiter de 27 œuvres en réalité virtuelle (VR) et réalité augmentée (AR). Les spectateur.trices pouvaient avoir accès pendant deux heures gratuites au Forum des Images ou allez librement vaquer sous la Canopée profiter de certaines expériences. Si les lieux étaient plutôt bien indiqués sur le site, une fois au Forum des Images, il était difficile de pouvoir tout faire. En effet, il n’y avait qu’une place par œuvre et l’impossibilité de réserver sa place (sauf en attendant) rend par moment le tout frustrant. Cette organisation ne permet pas de profiter au maximum à la fois du lieu et des œuvres. Il faut soit être ouverts à la première expérience qu’il reste — s’il en reste — ou prendre son mal en patience (les heures notées sur les panneaux étant fausse à cause d’une ouverture tardive du Forum). Pourtant, c’est une joie d’avoir accès à des expériences qu’il n’est pas permis de voir autrement et nous remercions l’équipe de Newimages Festival ainsi que le Forum des Images pour avoir rendu le festival possible, surtout en ce temps de crise sanitaire difficile à gérer.
Nous avons ainsi pu découvrir sept œuvres en une matinée, dont Minimum Mass dont vous pouvez retrouver notre interview des deux créateurs ici. Parmi les découvertes, nous avons vu le prix spécial du jury VR Ferenj: A Graphic Memoir in VR par Ainslee Robson et le prix spécial du jury en AR MOA —My Own Assistan par Charles Ayats, Franck Weber, Alain Damasio, Frédéric Deslias. Si la première est très belle esthétiquement et offre à travers la peinture un voyage entre deux pays (les États-Unis et l’Éthiopie), entre deux identités. L’œuvre nous fait traverser les souvenirs à l’aide de la voix off de la narratrice et des tableaux presque pointillistes — telle la mémoire qui s’efface et qu’on essaye de reconstruire. Fait à l’aide de la photogrammétrie — espace scanné en 3D qui permet une spatialisation exacte de la réalité — Ferenj est un beau moment en réalité virtuelle. MOA lui souhaite offrir aux spectateurs une vision du monde d’ici quelques années quand nous ne pourrons plus quitter nos téléphones portables de nos visages qui observeront alors le monde pour nous et nous donnerons les indications à suivre pour avoir une vie pleine et remplie. Ironique, cynique et dénonciateur d’une société dépendante de la technologie, cette application — l’œuvre est en réalité augmentée, il suffit de tenir devant un portable pour voir la société légèrement différemment et pourtant très similaire — n’arrive pas à la hauteur de son propos. Adapté du roman Les Furtifs d’Alain Damasio, l’expérience peine à convaincre entièrement. Parmi les autres œuvres, nous avons pu être les premiers Taiwanais à aller sur la «?fausse?» lune. Acteur nous devons jouer dans une reconstitution — ratée, mais très drôle — du premier pas sur la Lune. Great Hoax: The Moon Landing de John Hsu et Marco Lococo est une expérience amusante et plutôt bien réussie visuellement. Dans Missing Pictures: Birds of Prey de Clément Deneux, le cinéaste américain Abel Ferrara revient sur le film qu’il n’a jamais pu tourner : Brids of Prey. L’ambiance de l’expérience nous plonge dans un New York violent et cruel. Premier épisode d’une série de 6, cette courte expérience permet de partager un instant avec de grands réalisateurs et de parler de leurs films fantômes, recréant ainsi une atmosphère et des saynètes du scénario.
Parmi nos découvertes, deux œuvres ont particulièrement retenu notre attention et nous avions envie de nous y attarder un peu plus.
Palmarès du festival
Masque d’Or
Bodyless par Hsin-Chien Huang
Prix spécial du jury VR – ex-aequo
Ferenj: A Graphic Memoir in VR par Ainslee Robson
Gravity VR par Fabito Rychter et Amir Admoni
Prix spécial du jury en AR (réalité augmentée)
MOA – My Own Assistan par Charles Ayats, Franck Weber, Alain Damasio, Frédéric Deslias
Fragments
Erik est mort. Lisa se souvient de leur passé ensemble et de l’instant tragique où il ne fut plus.
Documentaire en réalité augmentée sur la perte d’un proche, Fragments invite les spectateur.trices à partager un moment d’intimité avec Lisa. Si le récit est touchant et résonne fortement en nous, c’est réellement la technologie utilisée qui permet à la fois ce rapprochement de l’histoire et sa magnificence. Réalisé grâce à la capture volumétrique — technique permettant de filmer une scène et de la retranscrire en relief sur ordinateur — cela permet de créer de nouvelles formes, de nouvelles dynamiques. Les personnes sont ainsi des voix et des corps à la fois proches et lointains — la scène s’adapte à la manière dont nous nous déplaçons dans l’espace, mais également à nos mains. De plus, les protagonistes n’ont pas leur corps retranscrit entièrement en 3D, seulement des lignes de vie. Ces lignes, véritables battements de cœur, nous connectent à ces instants intimes tout en nous offrant le recul nécessaire pour y avoir nos propres réactions et sentiments. Ainsi à la fois proche et loin, isolés et connectés, nous ressentons la douleur et la souffrance et pouvons aussi faire une introspection. La participation de Lisa Elin à l’écriture de ce documentaire a sans doute beaucoup aidé à créer cette fluidité. Fragments est une expérience dont nous ressortons bouleversé.e.s et heureux.ses à la fois.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=fRv07yrMcQg&w=560&h=315]
Look At Me
Zhang vit dans une société où tout le monde est accro à la réalité virtuelle. Il essaye de s’en détacher peu à peu quand il réalise que sa petite amie l’ignore et qu’ils n’arrivent plus à faire l’amour.
Look at Me est une métafiction critique envers la réalité virtuelle elle-même. Pour sa première réalisation VR, He Wei-Ting nous place devant la technologie accomplie. Projetés dans le quotidien de Zhang, nous nous retrouvons désemparés à ses côtés au milieu de cette culture virtuelle qui a pris le dessus. Les interactions sont différentes. Sa petite amie ne le regarde plus et sa vie amoureuse en pâtit. Les seuls yeux qui le regardent sont ceux de l’avatar d’une internaute avec qui il discute sur une plateforme de social VR. C’est au hasard d’une balade solitaire que le jeune homme rencontre un groupe de gens qui comme lui ont perdu pied dans ce nouveau monde… Look at Me est l’œuvre prévisible qu’il fallait faire, et pourtant elle fonctionne à merveille. On ôte le casque avec le sourire et ce goût doux-amer du retour à la réalité qui sont l’apanage d’une expérience réussie.
Marine Moutot et Karl Wan Nan Wo
Ferenj: A Graphic Memoir in VR
Réalisé par Ainslee Robson
Éthiopie, États-Unis – durée 9’20
Fragments
Réalisé par Aaron Bradbury
France, États-Unis, Royaume-Uni – durée 15′
Great Hoax: The Moon Landing
Réalisé par John Hsu, Marco Lococo
Taiwan, Argentine – durée 18′
Look At Me
Réalisé par Wi Ding HO
Taiwan – durée 14′
Minimum Mass
Réalisé par Raqi Syed et Areito Echevarria
Nouvelle-Zélande, France, États-Unis – durée 20’
Missing Pictures: Birds of Prey
Réalisé par Clément Deneux
France, Royaume-Uni, Taiwan – durée 8’
MOA – My Own Assistant
Réalisé par Charles Ayats, Franck Weber, Alain Damasio, Frédéric Deslias
France – durée 20’