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Dans la petite ville de Fuyang, au pied des monts Fuchun, nous suivons la vie d’une famille et leurs problèmes dans la Chine actuelle.
Présenté en compétition à la Semaine de la Critique en mai 2019, le premier long-métrage du cinéaste chinois, Gu Xiaogang est un de mes coups de cœur de 2020. Le réalisateur fait preuve d’un talent rare pour décrire les mœurs et les sentiments de ses personnages et de la société chinoise. En gardant toujours à distance de l’action sa caméra, il inscrit les histoires des protagonistes dans un paysage magnifique, mais profondément marqué par l’homme. Sur cette large rivière, le rythme de l’eau et des saisons coule tranquillement et montre les relations humaines de manière presque triviale. En entremêlant histoire, art, famille et nature, Gu Xiaogang réalise un grand film sur l’essence humaine.
Le film traite surtout de la Chine et de ses problématiques actuelles : l’argent est partout — dans les couples, entre les parents, entre les futurs amants. Cet argent que condamne un régime communiste cadence les dialogues et dénote totalement avec le passé et la culture des lieux. Lent, mais jamais ennuyeux, le récit prend le temps de développer les différents personnages qui représentent chacun un pan de cette histoire familiale : la grand-mère, ses quatre fils, leurs femmes et enfants (quand ils en ont). Cette famille est à la fois une bénédiction, mais aussi un fardeau. L’adjonction est forte de devoir se marier : pour les hommes pour que les mères partent l’esprit libre en sachant que leur fils sera choyé?; pour les femmes, il faut que ce soit un bon parti qui puisse subvenir au besoin des parents et des futurs enfants. La contradiction est partout dans ce temps partagé entre tradition et argent. La société a également un poids très fort sur l’individu qui doit s’effacer pour le bien commun et quand il ou elle ne le fait pas, les conséquences sont dures. Tout le monde juge sans cesse et soupèse qui fait plus et qui fait moins. Dans cette Chine bancale, c’est soit l’asservissement par la famille, soit par le travail.
La réalisation est marquée par les saisons et leur beauté propre à chacune : l’hiver et la neige qui recouvre les arbres, l’automne et les feuilles jaunes, la chaleur de l’été et les baignades dans le fleuve. Cette ville prise dans les montagnes offre aux spectateurs occidentaux un panorama magnifique — qui fut peint par Huang Gongwang en 1348 et dont le titre du film est tiré — ainsi qu’un paysage typique de la Chine contemporaine : boursouflé par le besoin de toujours grandir, de faire pousser hors de terre des bâtiments monstrueux. Gu Xiaogang pose un regard critique pertinent sur l’état de son pays et les conséquences sur les individus, ainsi que sur les relations humaines. L’ingéniosité du scénario, la beauté de la mise en scène et le rythme doux de ce premier volet sont autant de raisons de voir Séjour dans les monts Fuchun.
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Marine Moutot
- Séjour dans les monts Fuchun
- Réalisé par Gu Xiaogang
- Avec Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian
- Drame, Chine, 2h30
- 1er janvier 2020
- ARP Sélection
- Disponible sur Filmo TV, Canal VOD, UniversCiné et Orange