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Il y a 100 ans, Nosferatu, le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau débarquait sur le grand écran. En l’honneur de cet anniversaire – et alors qu’Arte vous propose de voir (ou revoir ce film incroyable) – nous avons décidé de vous donner 10 bonnes raisons de regarder ce film d’horreur sorti en 1922 !
En 1838, le clerc de notaire Hulter est envoyé en Transylvanie chez le comte Orlock, le vampire Nosferatu. Celui-ci sème la terreur et la peste dans un village voisin, avant de tenter de séduire Ellen, la fiancée de son invité. Mais la lumière de l’aube lui sera fatale..
1 — Parce que c’est la deuxième adaptation de Dracula mais la première qu’on peut voir
La première fois que le monde entend parler du vampire Dracula, c’est à travers le roman épistolaire de Bram Stoker publié en 1897. Si le Comte effrayant de Transylvanie n’est pas le premier vampire de la littérature, il est bien le premier dont l’histoire connaîtra un succès mondial.
En 1921, le cinéaste hongrois Lajthay Károly décide d’adapter le récit de Stoker pour le grand écran sous le titre de Drakula halála. Malheureusement, le film n’existe plus et seules quelques images publicitaires semblent avoir subsisté.
Deux ans après, le réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau qui a déjà neuf films à son actif, décide à son tour d’adapter l’histoire du célèbre vampire pour le cinéma. Cependant, il se permet quelques changements !
Ainsi, le film du cinéaste allemand est bel est bien la première adaptation visible du roman de Stoker. (Une version qui aurait pu ne jamais nous parvenir puisque suite à un procès, la veuve de Bram Stoker obtint que l’on détruise tous les négatifs du film.)
2 — Parce que c’est l’un des premiers films d’horreur
Si Nosferatu est le premier film de vampire, il est également l’un des premiers films d’horreur ! Bien sûr, déjà, à l’époque du cinéma muet, le public pouvait rencontrer, dans les salles obscures, des êtres terrifiants et étranges ; on pense notamment aux séries cinématographiques de Louis Feuillade ou au Manoir du Diable de Georges Méliès. Mais Murnau va bien plus loin que ces deux réalisateurs français. De par son sujet mais aussi son style, il parvient à atteindre un niveau de terreur jamais connu jusqu’alors. Car il ne faut pas l’oublier, Nosferatu c’est cette silhouette longiligne, aux doigts crochus et aux dents pointues mais c’est surtout un être capable de ravager des villes entières en apportant la peste avec lui.
3 — Parce que c’est le premier grand rôle de Max Schreck
Né en Allemagne en 1879, Max Schreck commence sa carrière d’acteur dans le théâtre. En 1922, il tourne dans un premier film sous la direction de Ludwig Berger. Mais ce n’est que lorsqu’il endosse le rôle du terrifiant Comte Orlok que sa carrière explose ! Avec plus de 30 films à son actif, Schreck est l’un des acteurs les plus importants de l’Allemagne des années 20 et pourtant, beaucoup de personne ne connaissait de lui que ce visage maquillé et terrifiant qu’il arbore dans Nosferatu. Tim Burton fera par ailleurs un petit clin d’œil à la star allemande dans son Batman de 1992.
4 — Parce que les effets visuels sont très impressionnants pour l’époque
Nosferatu est réalisé en 1922. En plus d’images colorisées qui permettent aux spectateur.trices de comprendre à quel instant de la journée se situe l’action (le bleu représentant la nuit, le rose, le couché et le levé du soleil, etc, …) et de plonger chaque scène dans une atmosphère particulière, Murnau a su jouer avec des effets spéciaux parfaitement maîtrisés tels que le stop-motion ou l’utilisation de négatifs !
5 — Parce que ce n’est pas un film totalement expressionniste et pourtant, certaines scènes sont un parfait exemple du genre
Si certaines images sont restées ancrées dans la mémoire des cinéphiles ce n’est pas pour rien ! Nosferatu regorge de l’influence de l’expressionnisme allemand, genre très pictural, qui touche le cinéma allemand depuis 1920 et dont le principal représentant est le film Le Docteur Caligari de Robert Wiene. Tout n’est pas expressionniste chez Murnau. Ainsi, les acteurs ne jouent pas devant des toiles peintes mais dans des décors réels.
En fait, le réalisateur allemand a su faire les meilleurs choix et s’inspirer du courant cinématographique pour rendre certains de ses plans, plus puissants. Sa plus grande réussite ? Le travail sur les ombres et notamment celles projetées par le corps de Nosferatu qui, en plus d’être vampire, devient alors une sorte de fantôme funeste.
6 — Parce que Murnau est un réalisateur incroyable et qu’il n’est jamais trop tard pour le découvrir ou le re-découvrir
Avec Fritz Lang et Georg Whilem Pabst, Murnau est sans doute l’un des réalisateurs allemands les plus connus et les plus intéressants des années 20. Après un passage par des films romantiques, il se tourne finalement vers le fantastique et s’inspire du travail expressionniste pour réaliser Nosferatu mais également Faust (1926) ou l’Aurore (1927). Si vous souhaitez découvrir son travail, on vous conseille également de voir Le Dernier des Hommes (1924) ou encore Tabou (1931) qui fut son dernier film.
7 — Pour la naïveté touchante du personnage masculin
Pour faire face à Nosferatu de Max Schreck, Murnau engage Gustav von Wangenheim qui interprète le personnage de Thomas Hutter. Le visage lumineux de l’acteur contraste totalement avec celui du vampire mais, ce qui marque véritablement le spectateur avec Hutter, c’est cette naïveté attendrissante dont il fait preuve tout au long du film. Refusant de croire les histoires lugubres destinées à le mettre en garde, il prend à la légère certaines preuves concernant la véritable identité du Comte Orlok. En fait Hutter est un peu un enfant. Un grand enfant ! Et d’ailleurs, il fait ce que nous avons tous fait lorsque nous étions petits ; pour se protéger du monstre… il se glisse sous sa couverture !
8 — Pour le courage du personnage féminin
Au contraire de son mari, Ellen (personnage interprété par Greta Schröder) s’avère être une figure éveillée et héroïque. Son lien particulier avec Nosferatu se tisse dès le début et offre au film certaines des plus belles scènes de l’œuvre de Murnau.
Mais ce qui est le plus intéressant, c’est surtout l’évolution de cette femme ; d’abord présentée comme un être seul et désespéré par le départ de son mari, Ellen se transforme petit à petit en une femme courageuse qui ira jusqu’à se sacrifier pour sauver son village de la peste.
9 — Parce que le cinéma allemand des années 20 est exceptionnel
Si l’âge d’or du cinéma allemand se situe entre les années 1910 et 1930, ce n’est pas pour rien ! En 1920, l’Allemagne se dote d’une énorme société de production (la seule qui rivalise avec les géants américain) ; cette société, appelée la Universum Film AG et dirigée par Erich Pommer (scénariste de l’Ange Bleu et producteur de Metropolis), installe d’énormes studios non loin de Berlin, à Neubabelsberg. Dès lors, les tournages s’enchaînent (on compte environ 400 films dans les années 1920) et la société peut compter sur de jeunes réalisateurs bourrés de talents, dont certains donneront naissance à l’expressionnisme et à quelques-uns des films les plus importants de l’Histoire du cinéma.
Le cinéma allemand de cette époque est particulièrement beau, riche, surprenant et ce, tant sur le plan scénaristique que technique. De plus, il est aussi le reflet d’une société allemande en pleine crise (Siegfried Kracauer en tirera d’ailleurs un livre passionnant intitulé De Caligari à Hitler). En bref, c’est un cinéma qu’on ne se lasse pas de découvrir ou de re-découvrir !
10 — Pour les nombreuses éloges faites à ce film et notamment, celle de Jacques Lourcelle
Jacques Lourcelle est un écrivain et scénariste français qui fréquentait le cinéma Mac-Mahon à Paris. Admiratif de Fritz Lang, Joseph Losey ou encore Otto Preminger, il appartenait à ce groupe de critique cinéphiles qui souhaitait mettre en avant les “auteurs” de cinéma ou autrement dit, ceux pour qui la mise en scène primait sur le scénario.
Rédacteur en chef de la revue Présence du cinéma, il publia également en 1992 son Dictionnaire du Cinéma, livre monumentale dans lequel il écrira à propos du film de Murnau que, “(Nosferatu) est l’un des cinq ou six films essentiels de l’histoire du cinéma, et sans doute le film muet capital.”
Camille Dubois
Nosferatu le vampire
Réalisé par Friedrich Wilhelm Murnau
Avec Max Schreck, Gustav von Wangenheim, Greta Schröder
Horreur, Fantastique, Allemagne, 1922, 1h34
Film Arts Guild
Disponible sur Arte.tv