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Qui n’a jamais rêvé de vivre dans un dessin animé des studios Disney ? De voir dans la réalité à quoi ressembleraient les robes des princesses ? De parler avec les animaux ? Certes, les contes de fées n’existent pas et personne n’a encore réussi à converser avec un raton-laveur, mais depuis que les live action font leur place dans les salles de cinéma, nos imaginaires d’enfance sont de plus en plus satisfaits. Les live action correspondent à des adaptations en prise de vues réelles d’œuvres non représentées dans notre réalité, soit des dessins animés, manga, jeux vidéos… Pour ce dossier, nous nous sommes attardées uniquement sur les dessins animés signés Disney.
D’une première adaptation du Livre de la Jungle (Stephen Sommers) en 1994, jusqu’aux rumeurs de casting les plus loufoques pour les prochains films, les live actions deviennent des incontournables du paysage cinématographique. Depuis le succès d’Alice aux pays des merveilles (Tim Burton, 2010), nous comptons une sortie de live action par an. Cependant, chaque film peut s’inscrire dans une catégorie d’adaptation : soit l’adaptation est fidèle ; ou légèrement augmentée (afin de maximiser le marketing du film) ; soit elle propose des modifications majeures (généralement pour s’accorder avec les mentalités contemporaines). Parfois, le live action ne constitue qu’une excuse pour exploiter l’univers du dessin animé de départ.
On prend les mêmes et on recommence…

Cendrillon, Kenneth Branagh, 2014 // Le Roi Lion, Jon Favreau, 2019
La grande majorité des films d’animation Disney dits « classiques » sont eux-mêmes des adaptations, issues d’œuvres littéraires. Ces contes et fables comprennent des personnages auxquels les studios Disney ont donné vie depuis le XXe siècle. Pour certains films, la ressemblance avec son cousin animé est indéniable. Les mêmes plan(che)s, les mêmes costumes, le même scénario… La prise de risques est faible et les studios comptent sur la nostalgie des fans pour remplir les salles. Ceci dit, les producteurs savent que s’ils adaptent Cendrillon (1950) et que la scène du bal n’est pas fidèle au dessin animé, la déception sera grande. Il n’y a qu’à observer les réactions des fans de La Petite Sirène (Rob Marshall, 2023) lorsque la scène de fin a été totalement modifiée… C’est pour cela que l’adaptation de Cendrillon de Kenneth Branagh (2014) entre dans la catégorie des fidèles. Des traits de Lily James correspondant à ceux de Cendrillon, à la robe de bal et aux codes couleurs des costumes des deux sœurs insupportables, l’adaptation est réussie ; même si les souris ne parlent pas… Mais le prix du live action le plus conforme est attribué au Roi Lion (Jon Favreau, 2019). Certes, la récompense est donnée facilement car le film est principalement constitué d’animations 3D, en plus des décors réels. Pas d’acteurs à trouver avec une ressemblance indéniable, pas de costumes, pas de contraintes pour faire tenir un brushing les cheveux au vent. Néanmoins, l’âme du film de 1994 est intacte, due à la précision des mouvements des animaux terriblement identiques dans cette nouvelle animation. C’est également le cas pour La Belle et le clochard (Charlie Bean, 2019). Dans les faits, il est plus facile d’adapter un dessin animé qui n’est basé que sur des animaux car tout est travaillé en 3D. Dans cette même lignée, nous avons également Pinocchio, qui a eu droit à trois adaptations pratiquement la même année : une de Guillermo Del Toro, une autre signée Matteo Garrone et la dernière par Robert Zemeckis, qui fut la seule estampillée “Disney”. Les autres sont des adaptations de l’œuvre littéraire associée. En effet, l’œuvre de Zemeckis entre totalement dans notre première catégorie des adaptations fidèles alors que les deux autres films ne reprennent aucun code du dessin animé de 1940.
Nous pourrions acter qu’au début des live action, les studios souhaitaient proposer des copiés/ collés pour attirer le public mais en réalité, cela varie énormément selon le classique adapté.
Et puis il y a ceux qui font un pas de côté, qui nous disent : « Je suis une adaptation, mais légèrement différente ».
…enfin presque…

Aladdin, Guy Ritchie, 2019 // La Petite Sirène, Rob Marshall, 2023
Dans cette catégorie, nous retrouvons Aladdin (Guy Ritchie, 2019), La Belle et la bête (Bill Condon, 2017), La Petite sirène (Rob Marshall, 2023)… C’est comme si certains ingrédients de la recette avaient été changés, le plat reste le même, mais l’assaisonnement est différent. Jouons au jeu des sept erreurs : une chanson en plus ? Un personnage supprimé ? Un plot twist supplémentaire ? Qu’importe, l’ADN du film est similaire ! En effet, une des principales différences reste l’ajout d’une chanson pour un personnage dépourvu de chansonnette dans sa version originale. Ce choix permet d’équilibrer les rôles. Les dessins animés dépassent rarement les 1h30, or, de nos jours, difficile de sortir un film de cette durée. Et puis, qui dit Disney, dit chanson, alors un peu plus ne fera pas de mal ! D’autant que le nombre d’écoutes de ces chansons bonus ont donné raison aux scénaristes. Uncharted Waters, interprété par le Prince Eric dans La Petite Sirène (2023), atteint presque les sept millions d’écoutes sur Spotify. Choix légèrement marketing pour ce film (faire chanter Jonah Hauer-King, quelle bonne idée). Ce procédé a également été utilisé dans La Belle et la bête (2017), avec Evermore interprété par Dan Stevens (la Bête). À la différence d’Eric et d’Adam, faire chanter le personnage de Jasmine dans Aladdin (2019), permet de donner plus de poids à son personnage. Son morceau, Speechless, est un cri du cœur, une émancipation pour cette fille de Sultan, complètement muselée dans le dessin animé de 1992.
De plus, l’ajout d’une mélodie n’est pas la seule différence. Les scénaristes peuvent aller jusqu’à modifier les personnalités des protagonistes. Dans le dessin animé, La Belle et la bête (1991), la Bête possède une bibliothèque gigantesque remplie de classiques de la littérature mais il ne semble pas attiré par cette pratique. Cependant, dans le live action, il connaît par cœur les répliques de William Shakespeare. Faire évoluer intellectuellement ce personnage accentue la notion de tolérance et surtout, qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture ! Pour cette adaptation, les scénaristes sont même allés encore plus loin en donnant à la Bête le pouvoir de voyager à travers ses livres. Une fantaisie qui complexifie quelque peu le récit.
… voire pas du tout.

Maléfique, Robert Stromberg, 2014 // Alice aux pays des merveilles, Tim Burton, 2010
Produire des live action permet de mettre au goût du jour des œuvres aux morales un peu datées. Quoiqu’il en soit, à chaque adaptation, peu importe le siècle, les personnages correspondent aux codes de leur époque – physiquement et mentalement.
Charles Perrault, conteur du XVIIe siècle à qui on doit Cendrillon ou La Belle au bois dormant a mis en lumière des personnages correspondant aux mœurs de 1696. Il est donc naturel de voir en 2014, une mauvaise fée répondant au nom de Maléfique, devenir une icône pour les petites filles. Porteuse d’un message (là où elle n’était qu’un obstacle au bonheur d’Aurore dans La Belle au bois dormant, 1959), ce personnage drastiquement développé, a fait l’objet de deux films – succès au box office. En puisant dans ses blessures, dans son passé, Maléfique est une méchante davantage comprise. Mais peut-on parler de live action ? Ou de film largement inspiré par… ? Au vu de la ressemblance physique entre le personnage de 1959 et Angelina Jolie, nous pouvons l’inclure dans notre panel.
Il y a ceux qui profitent d’un remake pour inscrire un classique dans leur répertoire et ceux qui exploitent un personnage pour étendre leur univers cinématographique. Dans la même lignée que Maléfique, le film de Craig Gillepsie, Cruella (2021), offre à la méchante une place de premier choix. Davantage éloigné du film d’animation de 1961 (et encore plus des 101 Dalmatiens de Dodie Smith, 1956), le réalisateur place le récit dans une autre époque, la jeunesse de Cruella est racontée dans les années 70 (or, dans le dessin animé, elle doit avoir 50 ans dans les années 60). Là encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’un live action. Cependant, on y retrouve tous les marqueurs des personnages iconiques, le manteau de fourrure, le rire tonitruant et même Roger et Anita pour Cruella, difficile de ne pas mentionner ces films tout droit tirés des dessins animés de Disney ; Tout comme les films de 1996 et 2000, de Stephen Herek et Kevin Lima, avec Glenn Close dans le rôle de Cruella, qui reprenait davantage les bases du scénario orignal.
Au rayon « largement inspiré », on retrouve Alice au Pays des merveilles (2010), ou encore Dumbo (2019)… Qu’ont ces films en commun ? Un réalisateur à la patte reconnaissable entre mille. Les live action sont aussi des occasions pour les réalisateurs de revisiter des Disney en les transposant dans leur univers. L’exemple parfait est donc Tim Burton, qui a réalisé deux remakes dans les années 2010. Le premier est un peu à part car il s’agit plus d’une adaptation directe de l’ouvrage de Lewis Carroll (1865) que du film de 1951. Néanmoins, il a bien été produit par les studios Disney. Quant à Dumbo, il fallait bien étoffer quelque peu ce classique de 1947 qui ne dure que 64 minutes… Changements à gogo, nouveaux personnages, nouveau scénario… Heureusement que Dumbo a toujours ses grandes oreilles sinon nous aurions été un peu perdus !
Par ailleurs, comment expliquer le succès d’un live action par rapport à un autre ? Est-ce lié au succès de son dessin animé original ? Ou bien au choix des réalisateurs renomés, des acteurs ou encore de la popularité des musiques ? La logique voudrait dire “oui”, mais cela dépend aussi de facteurs sociétaux. Mulan (Niki Caro, 2020), n’a pas eu droit à sa sortie sur grand écran à cause de la pandémie, idem pour La Belle et le clochard, et Pinocchio, qui sont uniquement sortis sur la plateforme Disney+.
Pour en revenir aux mœurs actuelles, il va être de plus en plus difficile de faire des live action tant les œuvres originales s’inscrivent dans des courants de pensées de plus en plus obsolètes. Même en les ancrant dans une époque qui leur correspond, difficile de produire un live action de Pocahontas (1995) dont le peuple a été décimé par les colons anglais. Quand on voit que des mises en garde sont déjà présentes avant les lectures de certains films sur Disney+ : « Ce programme comprend des représentations datées et/ ou un traitement négatif des personnes ou des cultures« , mais aussi « ces stéréotypes étaient déplacés à l’époque et le sont encore aujourd’hui » ; les studios vont devoir redoubler d’efforts pour faire évoluer ces histoires et les faire durer dans le temps.

Dumbo, Tim Burton, 2019 // Cruella, Craig Gillepsie, 2021
Pour conclure, les live action Disney sont en réalité des remakes. Ces derniers ne sont pas uniquement des copiés/ collés de classiques Disney. Il en existe une multitude selon les choix marketing adoptés par le studio, selon l’époque, selon les réalisateurs… Ils peuvent se rapprocher d’une réplique parfaite mais la tendance reste à l’amélioration, aux dépassements des frontières et des représentations figées. À l’instar d’Ariel, la petite sirène, premier personnage principal à changer d’ethnie dans l’univers des films en prises de vue réelle. Au-delà de surfer sur la nostalgie des adultes ayant grandi avec les dessins animés de Disney, les adaptations les plus récentes se veulent porteuses de messages qui font écho aux problématiques de notre temps. Comme quoi, une seule histoire peut traverser les siècles et selon les personnes derrière son adaptation, le message est différent. C’est ce qui rend une œuvre intemporelle.
Déborah Mattana
Par ordre d’apparition :
Le Livre de la Jungle (Stephen Sommers, 1994) – Indisponible
Alice aux pays des merveilles (Tim Burton, 2010) – Disponible sur Disney+
Cendrillon (Kenneth Branagh, 2014) – Disponible sur Disney+
Le Roi Lion (Jon Favreau, 2019) – Disponible sur Disney+
La Petite Sirène (Rob Marshall, 2023) – Au cinéma le 24 mai 2023
La Belle et le clochard (Charlie Bean, 2019) – Disponible sur Disney+
Pinocchio (Guillermo Del Toro, 2022) – Disponible sur Netflix
Pinocchio (Robert Zemeckis, 2022) – Disponible sur Disney+
Aladdin (Guy Ritchie, 2019) – Disponible sur Disney+
La Belle et la bête (Bill Condon, 2017) – Disponible sur Disney+
La Belle et la bête (Gary Trousdale, Kirk Wise, 1992) – Disponible sur Disney+
La Belle au bois dormant (Wolfgang Reitherman, Eric Larson, Clyde Geronimi, Les Clark, 1959) – Disponible sur Disney+
Maléfique (Robert Stromberg, 2014) – Disponible sur Disney+
Cruella (Craig Gillepsie, 2021) – Disponible en VOD
Les 101 Dalmatiens (Stephen Herek, 1996) – Disponible sur Disney+
Dumbo (Tim Burton, 2019) – Disponible sur Disney+
Mulan (Niki Caro, 2020) – Disponible sur Disney+
Pocahontas (Eric Goldberg, Mike Gabriel, 1995) – Disponible sur Disney+