[FESTIVAL LUMIERE 2024] – Samedi 12 et Dimanche 13 octobre

Temps de lecture : 13 minutes

Le Festival Lumière est de retour pour sa quinzième année. Entre restaurations, séances évènements, films classiques et cultes, découvertes, avant-premières et masterclass, on vous parle de nos déambulations à travers les salles lyonnaises et les différents lieux de festivités !  


L’aventure, débutée en 2009 sous l’impulsion de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, connaît, chaque année, un succès considérable. Depuis quinze ans maintenant, au mois d’octobre, la ville de Lyon et sa métropole se retrouvent envahies de spectateurs et spectatrices, enchanté-es de pouvoir découvrir dans de salles de cinémas, des films de patrimoines, des documentaires inédits ou quelques long-métrages en avant-premières.  Et cette année encore, une partie de l’équipe de Phantasmagory se joint à la fête ! 

Samedi 12 octobre

Comme toujours, le Festival Lumière a débuté là où le cinématographe Lumière est né, rue du Premier Film. Dans la magnifique salle du Hangar du Premier Film, les spectateurs étaient nombreux pour assister à la projection du film C’étaient des hommes de Fred Zinnemann, que nous découvrirons un peu plus tard dans la semaine. Car de notre côté, le Festival Lumière n’a réellement commencé que vers 15h45, lorsque nous sommes arrivées aux abords de la grande Halle Tony Garnier où les festivaliers étaient déjà nombreux à attendre l’ouverture des portes malgré la pluie et le vent. Au plaisir de débuter une nouvelle semaine de célébration du cinéma se mêlaient l’excitation mais aussi l’angoisse de ne pas réussir à trouver une bonne place voir même, LA bonne place, celle qui permettra de profiter pleinement de l’entrée des artistes et du film qui suivra. En effet, la cérémonie d’Ouverture est sûrement l’un des grands événements les plus prisés du Festival et cette année encore, la Halle Tony Garnier, qui peut accueillir plus de 5 000 personnes, est pleine. Arrivées assez tôt, nous parvenons à nous installer dans les gradins, face à la scène et, après un peu d’attente, une musique d’Ennio Morricone se met à retentire dans l’immense bâtiment. Les spectateurs le savent : ces notes sont le signe que la soirée va débuter et que les invités vont faire leur entrée. Sous les applaudissements défilent Lambert Wilson, Alexandra Lamy, Virginie Ledoyen, Denis Ménochet, Benicio Del Toro, Vanessa Paradis ou encore Monica Bellucci qui, après avoir fait quelques pas, revient en arrière pour aller récupérer celui qui l’a fait tourner dans Beetlejuice Beetlejuice (et qui partage sa vie depuis leur rencontre à Lyon au Festival Lumière !) : Tim Burton. La salle semble ravie de retrouver ce visage familier qui avait enchaîné les bains de foule en 2022, lorsqu’il avait lui-même été récompensé. La salle est plongée dans le noir et devient silencieuse quelques secondes à peine. Car sur le grand écran apparaît un visage bien connu et apprécié de tous, celui de Michel Blanc, décédé ce 3 octobre. Sous les traits de Jean-Claude Dusse dans les Bronzé font du ski (Patrice Leconte, 1979) il parvient – comme toujours – à faire rire aux éclats plus de 4000 personnes avant de les faire chanter cet hymne connu de tous les français “Quand te reverrais-je, pays merveilleux…” L’émotion est palpable et le public lyonnais ne semble pas vouloir s’arrêter de rendre hommage à ce grand acteur, réalisateur talentueux et attachant. Alors même que la salle est replongée dans le noir, les lumière des téléphones émergent d’un peu partout alors que le public entonne une nouvelle fois cette chanson pour toujours associé à ce personnage dont la philosophie était “Oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher.

Après ce bel hommage, la cérémonie reprend et Thierry Frémaux propose de revenir un peu sur la belle programmation de cette édition avec un montage. Comme toujours, chacun des extraits nous donne envie de voir l’intégralité des films proposés ! Mais nous avons dû faire des choix et nous espérons pouvoir profiter du Best-Of organisé par l’Institut Lumière après le Festival, pour rattraper quelques-unes des œuvres manquées. D’ailleurs, le directeur de l’Institut Lumière profite de la scène pour évoquer un nouveau travail de restauration effectué sur les films tournés par Louis Lumière de 1895 à 1897. Plusieurs vues Lumière sont présentées et comme toujours, c’est une émotion tout particulière qui nous envahit devant ces films des premiers temps dont on ne peut qu’admirer le travail sur la profondeur de champs. Vivement la parution de Lumière ! L’aventure continue en 2025 ! 

Mais ce soir, nous sommes en salle pour découvrir un autre film français. Avant de voir Louis Jouvet sur l’écran, c’est un autre grand homme du cinéma Lumière qui est mis à l’honneur : Costa-Gavras. Le réalisateur qui présentera son nouveau film lors du festival Lumière reçoit un Prix Lumière spécial (une première !) de la part de Tim Burton. Emu, le réalisateur a pris la parole pour saluer la mémoire de son ami Bertrand Tavernier et remercier le public lyonnais et le Festival Lumière : “ J’avais l’habitude de venir très souvent ici, à ces soirées extraordinaires et de rester en arrière là-bas, heureux, avec ma femme. Ce soir je suis honoré et bouleversé. Bouleversé parce que vous me faites cet accueil formidable. ”

Après une nouvelle ovation, le cinéaste et président de la Cinémathèque française retrouve sa place dans la salle pour profiter comme le reste de la salle de la projection du film de Christian-Jaque, scénarisé par Henri Jeanson, Un revenant (1946). Quasi introuvable jusqu’à maintenant le film met notamment en scène Louis Jouvet et Gaby Morlay et si une partie des scènes ont été tourné dans les studios des Buttes-Chaumont, l’histoire se déroule dans la ville de Lyon. Inspiré d’une histoire vraie (s’étant également déroulé à Lyon) Un revenant conte le récit d’un homme de retour dans sa ville natale, vingt ans après avoir été victime d’une tentative de meurtre par son ami d’enfance et frère de celle qu’il aime. Servi par le charisme et le jeu si particulier de Louis Jouvet mais également par de très bon dialogues signés Jeanson, le film offre quelques moments particulièrement savoureux. Un revenant s’affairer à critiquer la bourgeoisie lyonnaise et sa manière de pensée arriérée mais traite également du thème de la vengeance à travers le personnage de Jean-Jacques Sauvage (Louis Jouvet) dont il est difficile de prévoir les gestes et les décisions. Peu bavard ou expressif, il joue un double-jeu soutenu par les nombreux miroirs dans lesquels il se reflète. Il faut attendre la fin du film pour comprendre toute la complexité de cet homme blessé vingt ans plus tôt, au sens propre comme au figuré. 

Invités et public ont déclaré le Festival Lumière 2024 ouvert quelques heures plus tôt et cette projection est un début prometteur ! 
Mais pour le moment, il est temps de retrouver notre appartement car demain, de nouvelles aventures nous attendent ! 

Dimanche 13 octobre

Il est 10h20 lorsque nous arrivons aux abords de l’Institut Lumière et plus précisément, du village du MIFC (Marché International du Film Classique). C’est ici que se dérouleront les rencontres entre les différents professionnels du cinéma durant la semaine à venir. Mais aujourd’hui, ce sont les éditeurs de supports physiques qui sont mis à l’honneur avec la 6ème édition du salon du DVD ! Le rendez-vous connaît un beau succès. Preuve en est la file d’attente qui s’est déjà formée à l’entrée du village ; cinéphiles et collectionneurs de beaux coffrets trépignent d’impatience ! Une dizaine de minutes plus tard, nous pénétrons dans le pré-fabriqué qui accueillent aujourd’hui les éditeurs vidéos venus présenter leurs collections et dernières pépites : Carlotta, Malavida, The Jokers Films, Pathé, Potemkine, Tamasa, … Ils sont plus de vingt à avoir fait le déplacement et avec la foule qui s’agglutinent autour des stands, il est parfois difficile de s’approcher. Heureusement, en jouant un peu des coudes, nous parvenons à nous ouvrir une voie jusqu’à la table occupée par Les Films du Camélia et il ne nous faut que quelques secondes à peine pour attraper le sublime coffret Ida Lupino : une réalisatrice à Hollywood. Cela fait un moment que nous avons envie de l’ajouter à notre collection. Et aujourd’hui, nous avons décidé de nous faire plaisir ! Alors nous continuons nos achats auprès de Jokers et Malavida notamment. Nos sacs se remplissent un peu plus chaque minute mais la foule est si dense que nous décidons de quitter le Salon du DVD. C’est sans doute mieux pour notre porte-monnaie ! Et puis, à côté, il y a le village du Festival, lieu de concert, de détente et de restauration dans lequel se trouve une autre boutique proposant des DVD, des bouquins mais aussi des objets dérivés du Festival. Là encore, nous nous permettons quelques emplettes en nous disant qu’il faudra malgré tout repasser dans la semaine. 

Nos sacs à la main, nous empruntons le métro pour rejoindre la Presqu’île de Lyon et plus précisément le cinéma Lumière Terreaux. Nous connaissons l’endroit par cœur puisque nous y travaillons mais aujourd’hui, nous venons comme simple festivalière pour assister à la projection de deux films

A 14h00, nous sommes installées dans une salle pleine pour assister à la séance de The Small Back Room (1949) un film de Michael Powell et Emeric Pressburger, un duo bien connu des spectateurs du Festival, grâce notamment à Bertrand Tavernier qui fit énormément pour faire re-découvrir leur travail au grand public. 

The Small Back Room (ou La Mort apprivoisée en français) nous plonge dans le Londres de 1943, soumis régulièrement aux bombardements ennemis. Sammy, homme tourmenté en lutte perpétuelle avec ses démons, est également un spécialiste des explosifs. A la suite du largage de bombes allemandes méconnues, le capitaine Stuart vient le chercher puis lui demande de l’aide pour désamorcer les armes. Tourné en noir et blanc, cette oeuvre de 1949 tranche très franchement avec celle qui la précéde, Les Chaussons rouges (1948) ; plus sombre, plus réaliste et plus classique, The Small Back Room désarme énormément le public qui le boudera à sa sortie. Le film évoque ce terrible conflit encore bien trop présent dans les mémoires et pourtant, Powell écrira lui-même dans son autobiographie qu’il s’agissait surtout d’un film d’amour et non pas d’un film de guerre. Et il est vrai que l’histoire entre Sammy et Susan est l’un des axes principaux du scénario ; particulièrement présente pour celui qu’elle aime, Susan est un pilier sans faille dans la vie de cet homme blessé tant physiquement que moralement. Amputé d’un pied, Sammy souffre continuellement et il a besoin de Susan pour lui permettre de tenir le coup et de prendre les bonnes décisions. Mais cela ne suffit pas vraiment à nous convaincre qu’il s’agit bel et bien d’un film d’amour ; The Small Back Room est une œuvre qui évoque avant tout les souffrances liées à la guerre, le traumatisme et les autres effets indésirables qui lui sont liés. Sammy est un personnage particulièrement intéressant et complexe mais, force est de constater que le film de Michael Powell et Emeric Pressburger souffre parfois d’un vrai manque de rythme. Un défaut paradoxal puisque le film propose également une séquence à la cadence parfaite dans sa dernière partie ; quittant sa “back room” (ce lieu ou des hommes et des femmes menaient des recherches pour permettre aux alliés de gagner la guerre) Sammy rejoint une plage où l’un de ces nouveaux explosifs allemands a été retrouvé, afin de chercher comme le désamorcer. Les réalisateurs trouvent alors le rythme parfait pour faire de cette scène un moment de suspens particulièrement efficace.

Les lumières de la salle se rallument et si certains spectateurs prennent le temps d’émerger, d’autres se précipitent vers la sortie pour ne pas louper leur prochaine séance. De notre côté, nous avons plusieurs heures à tuer avant notre film suivant. Nous nous installons donc dans un café du centre ville pour commencer à écrire les premières lignes de cet article. 

Ce n’est qu’à 18h45 que nous retrouvons le cinéma Lumière Terreaux et sa première salle pour assister à la projection du film Acte de violence (1948). Projeté dans le cadre de la rétrospective Fred Zinnemann, Act of Violence est présenté par l’acteur Lambert Wilson qui a justement joué pour le réalisateur aux origines autrichiennes dans Julia (1977) et Cinq jours, ce printemps-là (1982) également montré durant le Festival Lumière.

L’acteur nous rappele que Fred Zinnemann a début sa carrière durant la période du cinéma muet (le film Les Hommes le dimanche de 1930, pour lequel il fut assistant-réalisateur, sera projeté dans quelques jours, accompagné d’un piano) avant de partir pour les Etats-Unis, avant même la montée du nazisme. D’abord réalisateur de courts-métrages pour la MGM, il passe à la réalisation de longs-métrages en 1936 avec Les Révoltés d’Alvarado. Acte de violence arrive après l’excellent The Search (1948) et juste avant un autre film que nous allons bientôt découvrir “C’étaient des hommes”. Lambert Wilson – qui a donc côtoyé Fred Zinnemann – nous explique que c’était un homme droit, presque militaire parfois, et profondément intéressé par l’être humain et la question de la morale qu’il questionnait sans cesse. Egalement peu à l’aise avec l’idée de filmer des scènes d’intimité, le réalisateur était par contre intéressé par le face à face entre l’homme et la machine ou plutôt la question du dépassement de l’être humain par la machine. 
Dans Acte de violence, il aborde la vie après la guerre et plus particulièrement après l’enfermement des prisonniers, en contant l’histoire de Frank Enley (Van Heflin), ancien soldat devenu homme d’affaires. Marié et papa, il mène une vie paisible jusqu’au jour où Joe Parkson (Robert Ryan), un ancien compagnon de combat, revient subitement dans sa vie, bien décidé à se venger. Avec ses allures de films noir, Acte de violence explore la question de la culpabilité mais également du traumatisme de la guerre.Si on apprend assez rapidement ce que Parkson reproche à Enley, le film ne perd pas pour autant son intérêt tant le personnage interprété par Van Heflin devient un objet d’exploration et de questionnement parfaitement mis en scène. Le personnage de Robert Ryan est moins complexe et pour cause, il n’est mû que par la colère et l’envie de se venger ; On pourrait même parler ici d’un besoin viscéral. 

A travers ce film, Fred Zinnemann montre le traumatisme et que celui-ci peut prendre plusieurs formes. Joe Parkson n’arrive pas à aller de l’avant et ne supporte pas que l’on évoque sa jambe blessée. Il fonce tête baissée et chasse sans hésiter celui qu’il désigne comme responsable de son malheur. Au contraire, Frank Enley a fui, fondé une famille et caché une partie de son histoire. Lorsque ce passé ressurgit, le drame est inévitable. 

Dans un magnifique noir et blanc teinté d’expressionnisme, Fred Zinnemann offre quelques très beaux plans et en profite également pour détourner l’un des éléments pourtant phare du film noir américaine des années 40 ! Ici, pas de femmes fatales ! Janet Leight, tout comme Phyllis Thaxter, interprète des femmes fortes, courageuses et aimantes, essayant tant bien que mal d’aider ceux qu’elles aiment. 
Act of Violence s’avère ainsi être un film particulièrement riche et ce, malgré son format plutôt court (1h20). Comme souvent, Fred Zinnemann nous montre l’efficacité de son cinéma sans pour autant en oublier la profondeur de sa réflexion. 

Notre journée s’arrête sur cette belle séance et une fois de plus, il est temps de retrouver notre appartement pour un peu de repos. 

A noter que ce dimanche 13 octobre, avait lieu à la Halle Tony Garnier, la séance spéciale famille avec la projection du film Les 12 travaux d’Astérix de René Goscinny et Albert Uderzo (1976).Quelques festivaliers ont également eu la chance d’assister à la master class de Vanessa Paradis et/ou de Xavier Dolan. Ce dernier fût d’ailleurs rejoint par l’actrice Anne Dorval et par l’acteur Antoine Olivier Pilon, qu’il avait dirigé dans son film Mommy (2014) dont nous fêtons les dix ans cette année.

Camille Dubois

Un revenant
Réalisé par Christian-Jaque
Avec Louis Jouvet, Gaby Morlay, Louis Seigner
Comédie dramatique, 1h56, 1946

La Mort apprivoisée (The Small Back Room)
Réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger
Avec David Farrar, Michael Gough, Kathleen Byron
Drame, 1h56, 1949

Acte de violence (Act of violence)
Réalisé par Fred Zinnemann
Avec Van Heflin, Robert Ryan, Janet Leigh
Drame, 1h20, 1948

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