2024 fut une belle année pour le cinéma et le cinéma français en particulier !
Avec 181 millions d’entrées en salle, la fréquentation a augmenté de 0,5% par rapport à 2023, ce qui fait de 2024, l’une des années les plus riches en termes de spectateur-trices depuis la pandémie du COVID. Et ce sont principalement les films produits dans l’hexagone qui ont poussé les gens à revenir en salle avec notamment, Le Comte de Monte Cristo de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière (9,1 millions d’entrées) et Un p’tit truc en plus d’Artus (10,3 millions d’entrées). Autre réalisation française à succès, L’Amour Ouf de Gilles Lellouche qui cumule pas moins de 4,7 millions d’entrées !
Comme toujours, les films d’animations ont également su tirer leur épingle du jeu avec trois suites ayant dépassé les 4 millions d’entrées : Vice-Versa 2 (8,3 millions d’entrées), Vaiana 2 (6,4 millions d’entrées) et Moi, moche et méchant 4 (4,3 millions d’entrées).
Mais si les cinémas ont connu un regain d’intérêt, c’est aussi grâce à des films forts et plus ou moins attendus – comme Dune : deuxième partie de Denis Villeneuve (4,1 millions d’entrées) mais surtout, grâce à une diversité de plus en plus saluée à l’image du film musical de Jacques Audiard, Emilia Perez, en route pour les Oscar et cumulant aujourd’hui plus d‘un million d’entrées en France.
Ces chiffres montrent la bonne santé du cinéma français et l’envie toujours bien présente des spectateur-trices de découvrir des œuvres en salles.
Le Festival Télérama qui se tiendra du 22 au 28 janvier dans les salles d’art et d’essai de France, permettra d’ailleurs de voir ou revoir certains des plus grands succès de 2024 Au programme : Les Graines du Figuiers sauvages, Miséricordes, Les Fantômes, Los Delicuentes, The Substance, La Zone d’intérêt, Le Mal n’existe pas ou encore Le Comte de Monte Cristo !
De même, les cinémas UGC reprendront plusieurs films plébiscités par leur public dans leur sélection “Les Incontournables” et diffuseront Dune 2, Il reste encore demain, Le Robot Sauvage, Un p’tit truc en plus, Juré n°2 ou encore Anora.
Retour sur les films qui ont marqué notre année 2024 !
Les films de l’équipe
L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine
Prix du jury, cette année à “Un Certain regard”, ce film français est poignant. Il raconte l’histoire de Souleymane, un jeune Guinéen qui attend d’avoir son audition pour savoir s’il pourra ou non rester en France. Nous suivons son parcours sur 48h, alors qu’il doit réunir les informations nécessaires qui lui permettront de réussir son audition mais également, enchaîner les livraisons pour gagner de l’argent pour payer son informateur. Autour de lui, le monde entier est déshumanisé, personne ne lui accorde un geste ou une gratitude. Il est seul. Boris Lojkine est réalisateur de documentaire et cela se sent dans sa mise en scène nerveuse. Souleymane, incarné par Abou Sangaré, également Guinéen et également en situation illégale sur le sol français, donne une profondeur à son personnage.
Flow de Gints Zilbalodis
Flow suit l’histoire d’un petit chat noir qui doit survivre à une innondation mystérieuse et soudaine. Nous ressentons sa détresse, sa curiosité, son bonheur. Nous sommes embarqué-es avec lui. L’image d’animation 3D très réaliste, le scénario, mais aussi la musique (très prenante et magnifique) créent une ambiance à la limite du fantastique. Prix du jury et du public au Festival d’Annecy et présenté à “Un Certain Regard” à Cannes cette année, Flow est une petite pépite. Le réalisateur lettonien Gints Zilbalodis propose une vision humaniste de la nature et de ses habitants. La dureté est là, la peur aussi, mais surtout c’est l’attention des uns et des autres qui priment plus que tout.
Tatami de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv
Après sa performance remarquée et récompensée dans le film Les Nuit de Mashhad (Ali Abbasi, 2023), Zar Amir Ebrahimi s’est lancée en 2024 dans la réalisation aux côtés du cinéaste israélien, Guy Nattiv. De cette collaboration israélo-iranienne, découle l’un des films les plus marquants de cette année, Tatami. Le film suit les championnats du monde de judo et plus particulièrement, le parcours de la sportive iranienne Leila Hosseini et de sa coach, Maryam Ghanbari. Toutes deux visent la médaille d’or mais, les choses se compliquent lorsque la fédération iranienne comprend que sa championne risque d’affronter une athlète israélienne en finale. Dans un cadre serré et un noir et blanc sublime, les cinéastes parviennent à tenir en haleine le spectateur, tout au long du film et notamment à travers des combats de judo – tous filmés différemment – particulièrement passionnants et intenses. Mais l’importance de ce film réside également dans sa capacité à montrer l’oppression subie par le peuple irannien (et notamment les femmes) et l’absurdité des réactions des dirigeants. Avec toutes les questions et les points importants qu’il soulève, Tatami était l’un des films les plus engagés et les plus réussis de cette année 2024.
Marine Moutot
Il y a quelques années je me suis posée la question de comment vivre sans cinéma ? Aujourd’hui encore c’est impossible de répondre. Même si je vais moins dans les salles obscures, je me laisse toujours autant transporter par les histoires, les récits et les personnages qui peuplent les films. 2024 n’aura pas manqué d’humour et d’ironie (élément vital pour cette année assez horrible) avec des longs-métrages comme Pauvres créatures du dérangeant cinéaste grec Yórgos Lánthimos, Scandaleusement vôtre de Thea Sharrock qui propose de parler franchement des préjudices que l’on fait subir aux femmes ou bien Miséricorde d’Alain Guiraudie.
C’est un cinéma peuplé de femmes fortes également et cela fait du bien quand on voit que tout autour de nous les droits des femmes régressent : Furiosa de George Miller, Love Lies Bleeding de Rose Glass, Memory de Michel Franco, Civil War d’Alex Garland, Santosh de Sandhya Suri, Blink Twice de Zoë Kravitz, Niki de Céline Sallette, L’Affaire Nevenka d’Icíar Bollaín. Impossible de parler de tous ces films en détails, mais ils m’ont profondément marqué.
The Apprentice d’Ali Abbasi
La figure de Donald Trump fascine autant qu’elle dégoûte. Ce millionnaire devenu président des Etats-Unis, deux fois, est un homme qui déploie à l’heure actuelle des armes dangereuses pour la démocratie comme les fake news, la misogynie et le climatoscepticisme. Un homme très dangereux que met en scène Ali Abbasi avec brio. A la manière de Limonov, la ballade de Kirill Serebrennikov, sorti en 2024 également – qui raconte le récit du tout aussi détestable Edouard Limonov – le réalisateur irannien nous dresse le portrait d’un jeune homme détestable, imbu de lui-même, prêt à tout pour réussir. Impossible ni d’admirer ni d’aimer Donald Trump après avoir vu The Apprentice qui n’hésite pas, avec une image très granuleuse, à montrer une Amérique passée au vitriol !
Borgo de Stéphane Demoustier
Parmi les femmes fortes du cinéma en 2024, l’héroïne de Borgo (incarnée par Hafsia Herzi), est particulièrement remarquable. Nous suivons Melissa qui vient de s’installer en Corse avec son mari et leurs enfants afin de travailler dans un centre pénitencier où nous comprenons rapidement que ce sont les gardien-nes qui sont sous surveillance. Après La Fille au bracelet, Stéphane Demoustier continue de s’intéresser à la justice, mais sous un autre prisme. Melissa se retrouve prise entre gang et police.
Dune – deuxième partie de Denis Villeneuve
Après un premier opus réussi, le réalisateur québécois propose la suite de l’un des romans les plus difficiles à adapter, Dune de Frank Herbert. Les intrigues politiques, complexes et mystérieuses, et le rapport à la différence sont une nouvelle fois au centre du récit. L’histoire se resserre autour du fanatisme et de l’image du Lisan al-Gaib, ce messie qui sauvera les Fremen et Dune. La mise en scène toujours aussi majestueuse montre comment un peuple et un homme peuvent aussi vite partir en vrille. Il suffit finalement de peu: de la peur mêlée à l’espoir et de personnes qui propagent ses idées.
La Jeune fille et les paysans de Dorota Kobiela et Hugh Welchman
Jagna est belle et jeune, elle aime un homme marié et est promise à un riche propriétaire terrien. Sa mère la vend et alors qu’elle semble se résigner à son sort, elle décide de lutter contre. Mais quand on est seule et une femme au XIXe siècle dans la campagne, le sort s’acharne plus facilement. Cette histoire tragique est magnifiquement mise en scène grâce à la rotoscopie – technique d’animation qui consiste à relever image par image les contours d’une figure filmée en prise de vues réelles – et la peinture utilisée pour animer les acteur-trices. De plus les deux cinéastes polonais-es ont fait le choix de parsemer les films de tableaux connus qui se marient si bien avec le roman éponyme de W?adys?aw Reymont qu’iels adaptent.
La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
Récit poignant sous forme de conte, La Plus précieuse des marchandises est l’adaptation éponyme du livre de Jean-Claude Grumberg (2019). Michel Hazanavicius ne voulait pas faire de films autour de la Shoah, pourtant le format proposé par l’auteur l’a convaincu. Présenté au Festival de Cannes et au Festival d’Annecy, le film est une histoire essentielle où dans les plus sombres heures de l’histoire humaine se cache encore la lumière.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize
Jeune adolescente de quelques siècles, Sasha refuse de tuer pour se mourir. Toujours aux crochets de ses parents qui commencent à ne plus en pouvoir (entre une mère qui veut la lâcher dans la nature et un père surprotecteur). Elle se retrouve à vivre chez sa cousine, une vampire qui aime les repas bien sanglants. Film puissant et fort sur le désir de faire différemment et de ne pas suivre aveuglément les traditions, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est plein d’humour et de douceur, malgré les canines acérées.
Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Premier film touchant et humain, Vingt Dieux suit les aventures d’un jeune homme jurassien, Totone. Alors qu’il vivait de manière insouciante entre fêtes de village et soirées alcoolisées avec ses amis, il se retrouve avec une charge énorme sur les épaules : s’occuper de sa sœur et travailler à la suite de la mort de son père. Avec des acteur-trices non-professionnels, la jeune réalisatrice Louise Courvoisier montre avec poésie cette campagne rurale oubliée où l’on a des rêves aussi.
Camille Dubois
Outre ses records d’entrées et ces films au millions d’entrées, 2024 s’est avérée être une année particulièrement plaisante d’un point de vue cinématographique. S’ il y a eu quelques déceptions, ces douze derniers mois ont surtout été ceux de l’audace, de l’expérimentation et des bonnes surprises à l’image de Vice-Versa 2 (suite particulièrement réussie de Vice-Versa, 2015) qui sut aborder de manière clair et ludique les changements subis pendant l’adolescence mais également, la question de l’anxiété. Cette année fut aussi marqué par l’apparition sur le devant de la scène, de jeunes réalisateurs et réalisatrices, notamment en France : Céline Sallette passée derrière la caméra avec Niki, Louise Courvoisier avec Vingt Dieux (encore en salle), Julien Colonna avec Le Royaume ou encore Agathe Riedinger avec le superbe Diamant Brut. Autre belle surprise de la part d’une jeune cinéaste – également actrice – Les Femmes au balcon, réalisé par Noémie Merlant et présenté à Cannes. Cette comédie trash oscillant entre drame et fantaisies est un film entier, aux messages clairs et forts ; un petit bijou aux influences almodovariennes.
The Substance de Coralie Fargeat
The Substance est le film “coup de poing” de l’année 2024. En mettant en scène une Demi Moore mise à la porte à cause de son âge et succombant à la tentation d’une substance verte censée lui offrir une meilleure version d’elle-même, Coralie Fargeat frappe fort avec une œuvre jusqu’au boutiste dont le message ne laisse aucune place au doute. The Substance est violent parce que la société est violente avec les femmes, par ses diktats, ses attentes et ses jugements. Tout dans ce film est travaillé avec un soin évident : le son qui devient une part intégrante du récit, les références sont parfaitement choisies, l’esthétique est marquée et splendide et, que dire du jeu de Demi Moore et Margaret Qualley qui mettent tous leurs corps et âmes dans chacune des scènes !
Je vous conseille de regarder le making-of passionnant réalisé par MUBI.
Il reste encore demain de Paola Cortellesi
Après un succès phénoménal en Italie, le film réalisé par Paola Cortellesi a débarqué en France, engrangeant plus de 640 000 entrées. Ce film italien mêlant drame, comédie et scènes musicales – et pour lequel j’avais déjà rédigé une critique) – a fait chavirer mon cœur dès ses premières scènes. En plus de son noir et blanc et ses inspirations néo-réalistes, l’oeuvre fémininste de Cortellesi marque également les esprits par sa justesse et sa critique d’une société italienne imprégnée d’un patriarcat maladif. Si vous l’avez loupé en salle, il est encore temps de vous rattraper puisque le film est dorénavant disponible en VOD !
La Zone d’Intérêt de Jonathan Glazer
La Zone d’intérêt nous ramène aux heures les plus sombres de notre Histoire et nous invite à suivre le quotidien d’une famille de nazi, vivant juste à côté du camp de concentration d’Auschwitz. Montrer la véritable horreur de ces lieux est difficile, si ce n’est impossible. Et d’ailleurs, le réalisateur ne le fait pas. Ou du moins, pas de manière directe. Nous ne voyons pas les prisonniers mais nous entendons leurs cris et les coups de fusils, nous percevons les trains qui les transportent jusqu’en enfer et nous voyons la fumée s’échapper des cheminée. Surtout, nous assistons, écœurés à la vie de famille du commandant Rudolf Höss. Une vie qui côtoie l’horreur, sans même s’en soucier. Pour réaliser cette œuvre, Jonathan Glazer a fait le choix d’une esthétique frontale parfois difficile à supporter mais très efficace. On ne ressort pas indemne d’une séance de La Zone d’Intérêt ; le film vous reste en tête, les images vous collent à la rétine et c’est là l’une des marques des grandes œuvres.
Mad Max : Furiosa de George Miller
Après la réussite qu’avait été Mad Max : Fury Road et l’introduction du personnage de Furiosa, les attentes étaient élevées concernant ce nouveau volet. Bien que le film n’ait pas connu le succès escompté au box-office, force est de constater que George Miller a réussi son pari. En s’intéressant à Furiosa avant qu’elle ne devienne l’Impératrice au service d’Immortan Joe, le réalisateur offre une vision plus complète de ce personnage féminin fort et passionnant ! Si dans cet opus, certaines séquences nous renvoient à celles de Fury Road, c’est pour mieux compléter l’univers du film sorti en 2015. En bref, pour moi, Furiosa fut une réussite scénaristique tout autant que visuelle !
Le Successeur de Xavier Legrand
Passé un peu inaperçu, le film de Xavier Legrand reste pourtant l’un de ceux qui m’a le plus marqué durant cette année 2024. A peine sortie de la salle de cinéma, j’avais d’ailleurs entamé la rédaction de ma critique ! Si les premières scènes nous laisse penser que l’action va se dérouler dans le monde de la mode parisienne, le film prend un nouveau tournant lorsque Ellias (le génialissime Marc-André Grondin) se retrouve obligé de retourner dans son Québec natale pour s’occuper de l’enterrement et de la succession de son père. A travers ce récit, Xavier Legrand évoque à nouveau l’emprise du père mais surprend le spectateur avec une histoire très sombre. Il vaut mieux ne pas trop en dire. Et laisser à ceux qui l’auraient loupé en salle, le plaisir de découvrir ce petit bijou de noirceur, disponible en VOD.
Conclave d’Edward Berger
Dans Conclave, Edward Berger s’immisce dans les secrets de l’église cahtolique en nous offrant la possibilité d’assister à l’élection du prochain Pape. Dans des décors absolument somptueux, et pourtant en grande partie reconstitués dans les studios de la Cinecittà, le réalisateur montre sans détours, toutes les manipulations ayant cours lors de ces votes… Dans Conclave, il y a de la manipulation (qui n’a rien à envier aux politiques !) mais aussi – et surtout – beaucoup de tension. Le tout est porté par un Ralph Fiennes éblouissant et – à moindre mesure – par Isabella Rossellini. Le film sorti en fin d’année est encore à l’affiche et je vous conseille de vous ruer en salle ! Les images sublimes que nous offre Edward Berger doivent s’admirer sur un grand écran !
Les Chambres rouges de Pascal Plante
Ce film canadien n’a pas connu une diffusion très importante dans les salles français mais, il semble connaître un vrai succès depuis son apparition en VOD. Nous y suivons quelques semaines de la vie de Kelly-Ann, une femme passionnée (voire obsédée) par le procès d’un tueur en série. Chaque jour, elle se réveille devant le tribunal pour être parmi les premières à s’asseoir dans la salle d’audience et, lorsqu’elle rentre chez elle, elle retrouve un appartement très épuré où elle passe son temps à faire du sport ou à naviguer sur le web. Ce qui est passionnant dans ce film, c’est à la fois le questionnement sur cette attirance morbide que certaines personnes peuvent avoir envers les tueurs en série, mais également, le personnage de Kelly-Ann lui-même. Insaisissable du début à la fin, il est bien difficile de savoir quelles sont ses intentions réelles. Les Chambres rouges n’est pas un énième film de procès mais une proposition tout particulière d’expérience cinématographique !