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Prix du Public au Festival international du Film d’animation d’Annecy cette année, présenté au Festival de Cannes, Amélie et la métaphysique des tubes est un joyau d’animation autour de l’enfance. Nous y suivons les premiers pas et ressentis de la toute jeune Amélie de ses 0 à 3 ans.
Drôle, touchant et surtout plein de beauté, ce long-métrage est à voir à partir de 8 ans jusqu’à 99 ans !
Pourquoi voir le film ?
La délicatesse du dessin
Pour leur premier long métrage, les cinéastes français Liane-Cho Han et Maïlys Vallade proposent une œuvre douce et merveilleuse sur l’enfance. L’attention portée à chaque détail du décors, aux couleurs vives et lumineuses, aux personnages et à leurs expressions, tout est fait pour magnifier cette belle initiation à la vie. C’est un émerveillement de tous les instants que de voir le monde à travers les yeux de cette jeune fille qui découvre le monde qui l’entoure. La texture de l’image est également très importante : on sent la pluie qui glisse sur notre visage, on sent les fleurs qui s’ouvrent au passage d’Amélie. Le film vous ravira par sa beauté et l’émotion qui en ressort.
Par ailleurs, le style graphique fait aussi beaucoup penser au réalisateur français Rémi Chayé – pour lequel ont travaillé les deux cinéastes et qui a participé à la conception graphique d’Amélie et la métaphysique des tubes. Les aplats de couleurs, les personnages sans contours et les décors qui prennent beaucoup d’importance, sont autant de choses qui ajoutent à la poésie du film.
La compositrice japonaise Mari Fukuhara ajoute à ce monde vivant et lumineux une touche musicale qui accompagne l’éveil d’Amélie.
La sensibilité de l’histoire adaptée à tous les âges
Dans le roman, l’autrice belge raconte les horreurs de la guerre au Japon et des morts de manière très frontale, qui viennent choquer les lecteur-trices qui ne s’attendent pas à une description aussi brutale dans le récit d’une enfant de 2 ans et demi – même attiré par les monstres et les y?kai. Les cinéastes ont décidés que plutôt d’être dans “une surenchère d’images chocs de bombardements, de morts, de destructions, nous avons choisi d’évoquer le passé par le surgissement du souvenir dans un moment du quotidien, presque anodin, tandis que Nishio-san fait la cuisine, en laissant la parole au personnage.” Ce qui permet au film d’aborder des thèmes durs, voire traumatisants, sans les montrer, rendant accessible le récit aux plus grands nombres.
Le récit aborde aussi d’autres sujets graves. À travers le personnage de Kashima-san aborde la haine de l’autre. C’est une japonaise issue de la bourgeoisie dont les membres de sa famille ont été tués par les Américains lors de la Seconde Guerre mondiale. Le film parvient à retranscrire les émotions des adultes également pour les plus jeunes.
Le film oscille ainsi entre des séquences émotionnelles et d’autres plus drôles.
Plonger dans l’esprit d’une enfant espiègle et curieuse
Qui n’a jamais rêvé de se souvenir de ces premiers instants. De la première fleur que nous avons senti, du premier aliment qui a réveillé nos papilles, de la première couleur qui nous a marqué. Amélie Nothomb l’a fait pour nous à travers son roman et l’adaptation en dessin animé y parvient parfaitement également.
Amélie se sait Dieu. Et elle découvre le monde qui doit lui obéir avec beaucoup d’humour. Regarder le monde à travers ses yeux est réjouissant et permet de nous remettre en question, sur nos propres croyances. Le Japon qui se découvre sous nos yeux est à la fois un pays adoré et fantasmé. Les coutumes, les traditions – même les plus injustes, comme ce mois dédié aux garçons et aucun aux filles -, la nourriture, la calligraphie… le Japon fascine et les cinéastes ont travaillé avec attention aux détails.
Le récit joue également sur l’ambiguïté entre le réel et l’imaginaire. La créativité d’une enfant de 2 ans et demi est sans limite. En quittant quelques instants notre vision du monde, l’héroïne d’Amélie et la métaphysique des tubes nous propose d’observer le monde différent : en vibrant avec chaque élément de la nature et en se laissant porter par la fausse légèreté de la vie avec grâce et insouciance. Pourtant la vie nous réserve de belles leçons d’apprentissages.
Petit point d’histoire : Amélie Nothomb et La Métaphysique des Tubes
“Émerveillement, nostalgie, joie, gratitude.” Voici les quatre mots qu’a décidé d’utiliser la romancière belge pour parler du film adapté de son roman.
La Métaphysique des Tubes est le neuvième roman d’Amélie Nothomb, apparu en 2000. Il est sorti après Stupeur et tremblement, pour lequel elle a reçu le grand prix du roman de l’Académie française en 1999 et pour lequel elle se fait connaître. Dans La Métaphysique des tubes, elle raconte, sous forme de récit autobiographique, les trois premières années de sa vie. Pourtant il n’est clairement pas à destination des enfants. Dur, il parle de ce qu’a subi le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale et des traces que cela a laissé sur la population une vingtaine d’années plus tard. Ce parcours initiatique, sorte de parodie de la Genèse, parle aussi de l’autisme dont elle souffrirait. Avec humour, émotion et surtout une certaine forme d’autodérision, le livre est une véritable plongée dans l’enfance.
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De lire le livre d’Amélie Nothomb, La Métaphysique des Tubes, une œuvre à la fois similaire et très différente
Marine Moutot
Amélie et la métaphysique des tubes
Réalisé par Mailys Vallade, Liane-Cho Han
Animation, France, 1h17
Haut et court
Sortie le 25 juin 2025