[CRITIQUE] Sabotage

Temps de lecture : 3 minutes

Texas, huit personnes décident de changer les choses contre le dérèglement climatique. Iels vont faire sauter un pipeline. 

En juin 2020 sortait le livre du chercheur suédois Andreas Malm, dont le titre était volontairement provocateur : How to blow up a pipeline. Traduit en français sous le titre de Comment saboter un pipeline, cet essai ne donnait pas les clés pour mener à bien cette entreprise, mais exposait les motivations qui amenaient à se rebeller violemment contre l’ordre établi. Alors que les mouvements non violents sont l’apanage des groupes écologiques, l’auteur montrait comment les révolutions et les changements d’ordres ne s’étaient pas faits sans violence. Daniel Goldharber décide de s’emparer du sujet et de réaliser son deuxième film. Petit budget, caméra à l’épaule, tourné en pellicule 16mm, personnages esquissés plus que réellement montrer en profondeur, Sabotage est efficace et permet de montrer qui pourraient être les gens qui passent, enfin, à l’action. 

Dire que tout le monde est touché par le changement climatique est un euphémisme, car ce ne sont pas seulement les êtres humains qui risquent de laisser leur peau dans l’affaire, mais des populations d’espèces animales et végétales entières. Lire Comment saboter un pipeline fait l’effet d’un rappel à l’ordre que nous devons agir, l’inertie étant la pire des manières de soutenir le système en place. Sabotage commence par des portraits succincts mais divers des différents protagonistes. Ce sont des jeunes gens laissés pour compte, d’autres non. Certains semblent installés, d’autres sont en marge. Le projet de détruire un pipeline est celui de la dernière chance. Daniel Goldharber réussit à montrer cette énergie du désespoir en esquissant des visages, des situations, tout en mettant très vite en place son récit : les préparations et les derniers instants avant l’explosion. Même s’il ressemble à un film fauché, Sabotage parvient à mettre en place une tension et à nous attacher aux personnages. 

Pour rendre son film haletant et sans coupure, le cinéaste choisit de mélanger les genres, ce n’est pas seulement un thriller, mais un film de braquage et surtout un western. Les paysages désertiques, l’absence d’humain dans ces contrés reculés, renforcent le sentiment d’isolement de ces héros et héroïnes d’une société qui les nie. L’image avec les grains de la pellicule fortement marqués l’accentue également. Cette communauté qui se retrouve l’espace d’un moment autour d’un dessein commun est à l’image de la production du film : chacun fait à sa hauteur. En effet, réalisateur, acteurs, actrices, technicien.ne.s ont été payé.e.s la même somme d’argent et ont eu leurs mots à dire. 

À travers l’activisme, Sabotage va plus loin et parle de sujets qui nous touchent de plus ou moins loin : la spoliation, la maladie à cause de l’industrie pétrolière, le vole des terres qui ne devraient appartenir à personne et le sentiment d’injustice. Modeste, ce long-métrage donne envie de passer à l’action : on monte un groupe ?

Marine Moutot

Sabotage
Réalisé par Daniel Goldhaber
Avec Ariela Barer, Kristine Frøseth, Lukas Gage
Thriller, États-Unis, 1h44
26 juillet 2023
Tandem

Retour en haut