[CINÉMA] Once upon a time in Gaza

image tirée du film Once upon a time in Gaza

Temps de lecture : 7 min

Les deux cinéastes plasticiens gazaouis, Tarzan et Arab Nasser, décident de montrer Gaza d’une autre manière et sans pathos. Once upon a time in Gaza a remporté le Prix de la mise en scène à Un Certain Regard au Festival de Cannes cette année. Le long-métrage est essentiel car, à l’heure où Trump l’imagine en riviera du Moyen-Orient – théorisée sur les plateaux télé en France -, des femmes, des hommes et des enfants y meurent au quotidien dans un silence médiatique glaçant. Le film vaut aussi pour la qualité de son écriture. C’est une fresque qui utilise le cinéma pour parler du quotidien dur et injuste des gazaouis. 

Nous sommes en 2007, où nous suivons Yahya, un étudiant qui travaille dans un restaurant de falafel, qui s’est lié à Osama, un dealer. Ensemble, ils vendent illégalement des médicaments. La violence est de partout et inhérente à tous les personnages, même ceux qui paraissent les plus doux. La corruption du gouvernement et l’abus des plus puissants, la situation politique instable et les attaques incessantes d’Israël rendent le récit dense et foisonnant.

Pourquoi allez voir ce film ?

Une autre façon de regarder Gaza
Once upon a time in Gaza offre une vision unique et décalée de regarder ce petit bout de terre que l’on connaît peu. À travers des personnages attachants, l’étudiant Yahya (Nader Abd Alhay) un peu gauche et Osama (Majd Eid), le dealer au grand cœur, le récit veut donner la part belle aux personnes qui tentent de vivre sans violence. Pourtant cette violence est inhérente à la vie gazaouie et aux genres que les deux cinéastes ont choisi pour parler de leur histoire d’amitié. Le polar, le thriller et le drame, sans oublier un humour corrosif, donnent à voir une population sous tension, en permanence. Tension due aux conflits avec Israël, mais également à la prise de pouvoir par le Hamas au moment du récit.  

Le film n’oublie de glisser des moments de beauté simple, comme quand Osama se met à danser dans le petit restaurant de falafel ou encore quand Yahya et Osama discutent le soir tard dans l’appartement du dealer où les couleurs chaudes offrent un moment d’intimité et de paix. L’occasion pour eux de parler de rêve, de famille et d’espoir. L’envie de quitter Gaza pour rejoindre l’autre bout de la Palestine – la Cisjordanie – étant presque impossible à cause du blocus imposé sur la bande de Gaza. “Nous n’avons pas besoin de répéter la situation politique, ni de nous poser en victimes. Nous sommes des êtres humains qui méritons la vie. À Gaza il y a certes la guerre, mais aussi une vie pleine de vitalité et des milliers d’histoires du quotidien.”La première partie du film expose ainsi une vie presque normale dans une région du monde en crise permanente. Où les gens cherchent le bonheur dans les petits détails. La deuxième partie montre comment le gouvernement et l’armée cherchent à rallier le peuple derrière une cause injuste grâce au cinéma : la guerre.

Les cinéastes font également le choix de ne montrer aucune femme – à part dans une pharmacie – et cela renforce le sentiment d’éviction des citoyennes des instances de décisions, où uniquement des hommes sont présents. Ils réussissent également à montrer la hiérarchie au sein du gouvernement et de la population.

Le cinéma au service de la réalité 
Les réalisateurs n’ont pas pu tourner à Gaza, qui depuis plusieurs mois est inaccessible – tant pour faire entrer des aides et de la nourriture, ou des personnes. Ils font le choix de tourner en Jordanie. 

La deuxième moitié du film change complètement de registre. Yahya est seul et se trouve enrôlé un peu de force sur un long-métrage de propagande où il incarne un guerrier qui se bat pour libérer son pays. Sorte de Rambo gazaoui, au visage taciturne, il doit inspirer la confiance à la population pour suivre le Hamas qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza. Chargé de symbole, ce rebelle héroïque représente la figure du martyr qui se sacrifie pour son pays. Cette mise en abîme est passionnante parce qu’elle montre comment le cinéma est utilisé pour créer de la propagande enrôlant une populaire derrière eux. Un nouvel imaginaire se construit sous nos yeux. Mais c’est aussi ce que font Tarzan et Arab Nasser avec le cinéma : ils dressent le portrait d’une Palestine qu’ils connaissent et qu’ils veulent défendre.

Point d’histoire : La bande de Gaza

“Le choix de 2007 n’était pas anodin. C’était une année charnière qui a profondément influencé le cours des événements à Gaza jusqu’à aujourd’hui. Cette année a suivi la victoire du Hamas aux élections législatives, qui a conduit à un blocus militaire, politique et économique. Israël considérait Gaza comme une entité hostile et a imposé un siège asphyxiant et inhumain sur plus de deux millions de personnes. Nous avons choisi cette année car elle a marqué un tournant brutal: le début d’une phase sombre d’isolement, de guerres, et de punitions collectives dont les conséquences cruelles se font sentir aujourd’hui, comme jamais auparavant.”

L’histoire de la bande de Gaza est intimement liée à l’histoire de la Palestine. À la suite de la création d’Israël en 1948 par l’ONU (Organisation des Nations Unies), un exode important a mené de nombreux palestien-nes à quitter leur maison. Il serait impossible de raconter en détail les nombreuses peines et difficultés qu’ont connues les Palestiniens depuis 1948. Je vous conseille plus loin plusieurs vidéos et sources pour vous documenter. La guerre entre Israël et Palestine est compliquée et dure depuis plusieurs dizaines d’années. L’arrivée au pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza en 2007 n’ayant pas arrangé l’entente entre les deux nations. Mais comme souvent dans les guerres, ce sont les populations civiles qui sont les plus touchées et à Gaza plus que jamais ailleurs encore. 

Quelques dates clés :
29 novembre 1947 : Plan de partage de l’Organisation des Nations Unies en vue de la création de deux États, l’un juif, l’autre arabe, et d’une zone sous contrôle international. 

14 mai 1948 : Proclamation de l’État d’Israël par Ben Gourion à l’échéance du mandat britannique sur la Palestine. 

15 mai 1948 : « Nakba » : exode des populations arabes en dehors des frontières d’Israël. 

28 mai 1964 : Création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dont Yasser Arafat deviendra le président en février 1969. 

5-10 juin 1967 : Guerre des Six Jours, à la suite de laquelle Israël occupe la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, le Sinaï égyptien et le Golan syrien. 

22 novembre 1967 : L’ONU exige la libération des territoires occupés par Israël en échange de la reconnaissance de sa souveraineté par tous les États de la région. 

Septembre 1970 : Septembre noir : l’OLP est expulsée de Jordanie et trouve refuge au Liban. 

6-25 octobre 1973 : Guerre du Kippour lancée par les pays arabes contre Israël, qui mène une contre-offensive victorieuse. 

26-28 novembre 1973 : Reconnaissance de l’OLP comme « seul représentant du peuple palestinien » au sommet arabe d’Alger. 

Novembre 1974 : L’ONU accorde à l’OLP le statut d’observateur permanent et reconnaît le droit des Palestiniens à la souveraineté et à l’indépendance. 

6 juin 1982 : Offensive israélienne au Liban en riposte aux attaques de l’OLP, qui doit quitter Beyrouth pour Tunis en septembre. 

16-17 septembre 1982 : Massacre de la population palestinienne des camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth, par les milices phalangistes libanaises. 

Décembre 1987 : Début de la première intifada (« soulèvement ») dans les territoires occupés. 

13 septembre 1993 : Après la conférence de paix israélo-arabe de Madrid (octobre 1991) et la reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’OLP (9-10 septembre 1993), signature des accords de Washington en vue de l’instauration d’une autorité palestinienne intérimaire autonome. 

28 septembre 2000 : Début de la seconde intifada. 

16 juin 2002 : Début de la construction, par Israël, d’une « barrière de séparation » entre la Cisjordanie et le reste du territoire. 

17 mai 2003 : Rencontre entre les Premiers ministres israélien et palestinien en vue de la création d’un État palestinien d’ici à 2005. 

Février 2004 : Adoption, par le gouvernement israélien, du plan de retrait unilatéral de Gaza. 

11 novembre 2004 : Mort de Yasser Arafat, auquel succède Mahmoud Abbas en janvier 2005. 

Déc. 2008-janv. 2009 : Opération «  Plomb durci  » menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, contre le Mouvement de résistance islamique (Hamas). 

Septembre-octobre 2010 : Reprise des négociations de paix directes entre Israéliens et Palestiniens et refus d’Israël de proroger son moratoire sur la colonisation en Cisjordanie arrivé à échéance à la fin du mois de septembre. 

Source : Christophe PÉRY, « ISRAÉLO-ARABE CONFLIT – (repères chronologiques) », Encyclopædia Universalis. 

Pour aller plus loin je vous conseille : 

Une vidéo proposée par ARTE, Une brève histoire de Gaza – Le dessous des cartes – Une leçon de géopolitique
L’émission A l’air Libre de Médiapart autour de Gaza : Gaza, une guerre coloniale 
Le film Wardi de Mats Grorud autour d’une jeune fille et de l’histoire de sa famille dans un camp de réfugié-es au Liban

Toutes les citations sont tirées du dossier de presse

Marine Moutot


Once upon a time in Gaza
Réalisé par Tarzan et Arab Nasser
Drame, Thriller, France, Palestine, Allemagne, Portugal,
avec le Qatar et le Royaume Hachémite de Jordanie, 1h27
Dulac Distribution
Sortie le 25 juin 2025

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