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Présenté au Festival d’animation d’Annecy en avant-première, le long-métrage Mary Anning est un film historique accessible aux plus jeunes. Iels pourront découvrir l’histoire étonnante d’une paléontologue britannique ayant réellement existé.
Autodidacte, intrépide et effrontée, Mary Anning fait une découverte extraordinaire à l’âge de 13 ans sur la plage de Lyme Regis : le squelette d’un ichtyosaure. Elle doit alors affronter la société anglaise du XIX? siècle, où la place des filles est à la maison. Le film de Marcel Barelli raconte cette trajectoire hors du commun. Avec une animation simple mais élégante, le long-métrage illustre comment la jeune fille s’est battue pour vivre sa passion.
Pourquoi voir le film ?
Un destin de femme très différent
La société anglaise du XIX? siècle dépeinte dans le film montre bien comment les jeunes filles et les femmes étaient traitées, à la fois par l’école et par l’église. S’intéresser à autre chose que la couture, poser des questions ou mettre en doute les dogmes était perçu comme un acte de rébellion. Mary Anning est une petite fille curieuse qui ne comprend pas pourquoi le monde fonctionne de cette manière. Elle suit son père dans ses explorations et se passionne pour les fossiles. Beaucoup la considèrent même comme folle. L’histoire aborde ainsi, de manière simple, touchante et parfois drôle, les stéréotypes de genre et leur absurdité. De plus, à l’école de son village, tenue par un prêtre dissident, elle apprend que Dieu a créé le monde en six jours — un enseignement en contradiction avec ses découvertes de fossiles.
Savoir que cette jeune femme a vraiment existé et qu’elle a consacré toute sa vie à sa passion rend son parcours encore plus extraordinaire : une belle leçon à partager avec les enfants, accessible dès 6 ans. Marcel Barelli et son co-scénariste Pierre-Luc Granjon ont mené un travail de documentation pour rester au plus près de la rigueur scientifique mais aussi de la réalité historique de l’héroïne. La plupart des personnages autour d’elle ont réellement existé, à commencer par Elizabeth Philpot, qui montre le chemin de la science et de la modernité à Mary, ou encore William Buckland.
Il s’agit d’un film de fiction qui prend des libertés et invente des moments pour rendre le récit plus romanesque. Pourtant, l’essentiel est là. Longtemps restée dans l’ombre parce qu’elle était une femme et, de surcroît, issue d’un milieu modeste, Mary Anning apparaît comme une figure d’émancipation. Ce film lui rend hommage avec élégance et audace.
Une mise en scène et une bande son au service de la rébellion
Le film restitue avec justesse le climat pluvieux de l’Angleterre, et malgré cela, la jeune Mary Anning rayonne à Lyme Regis — surnommée Jurassic Coast grâce à ses découvertes. Le dessin, très sobre, se veut comme une fenêtre sur un monde inconnu, élargissant les frontières du réel. Les traits simples rendent les personnages immédiatement identifiables, comme le Révérend, dont le visage évoque un crâne : métaphore de la mort de la science et de la curiosité, puisqu’il reste enfermé dans des croyances conservatrices.
Le choix musical est également pertinent. Plutôt que d’illustrer les images par des compositions du XIX? siècle, le réalisateur a opté pour des chansons anglaises de rock et de punk-pop. Ce contraste donne une énergie nouvelle au récit et fait écho à l’esprit frondeur de Mary face à l’ordre établi.
Accessible, drôle et inspirant, Mary Anning offre aux enfants comme aux adultes une belle leçon de courage et d’émancipation. Le film invite à croire en la puissance de la curiosité et de la résistance face aux injustices.
Point d’histoire : Mary Anning
Née en 1799 à Lyme Regis, petite ville côtière du sud de l’Angleterre, Mary Anning est l’une des figures les plus singulières et méconnues de l’histoire des sciences. Issue d’un milieu très modeste, sans accès à une éducation formelle poussée, cette autodidacte est pourtant devenue une pionnière de la paléontologie, à une époque où cette discipline en était encore à ses balbutiements et où les femmes étaient tenues à l’écart des cercles scientifiques.
Très tôt, Mary accompagne son père, ébéniste et collectionneur amateur, sur les falaises de Lyme à la recherche de “curiosités”, ces fossiles extraits des roches jurassiques. Après sa mort, alors qu’elle n’a que 11 ans, Mary poursuit cette activité avec une ténacité remarquable. Ce qui n’était qu’un moyen de subsistance — vendre des fossiles aux touristes ou à de rares savants — devient peu à peu une passion dévorante et une véritable vocation. À seulement 12 ans, elle découvre le premier squelette complet d’ichtyosaure, un reptile marin préhistorique.
Quelques années plus tard, elle met au jour le premier plésiosaure connu, puis un ptérodactyle — des trouvailles majeures qui vont bouleverser la compréhension du passé de la Terre. […] Mais malgré ses découvertes capitales, Mary Anning reste longtemps dans l’ombre. […] Les scientifiques de son temps publient sur ses trouvailles sans toujours la mentionner. Elle correspond pourtant avec les plus grands géologues anglais, comme Henry De la Beche ou Richard Owen, et devient peu à peu une référence incontournable. Certaines institutions lui achètent même directement ses fossiles, tout en refusant de lui reconnaître une quelconque autorité scientifique.
Dotée d’un œil exceptionnel, d’une rigueur méthodologique hors norme, Mary Anning développe des compétences d’anatomie comparée, de géologie et d’observation qui forcent l’admiration. Elle ne se contente pas de collecter?: elle identifie, documente, interprète. Et ce, avec le soutien précieux des sœurs Philpot, savantes discrètes mais influentes, qui l’aident à approfondir ses connaissances en sciences naturelles. […] Aujourd’hui encore, les spécimens qu’elle a découverts sont exposés dans les plus grands musées du monde. Et son influence dépasse le cadre strictement scientifique : elle est devenue une figure emblématique du combat pour la reconnaissance des femmes dans les sciences. Mary Anning meurt en 1847, à l’âge de 47 ans, des suites d’un cancer. Ce n’est que bien plus tard qu’elle obtient la reconnaissance qu’elle mérite : une plaque commémorative à Lyme Regis, une entrée au Panthéon de la Royal Society en 2010, et même un reptile marin portant son nom : Ichthyosaurus anningae.
Source : dossier de presse du distributeur Cinéma Public Films
Pour aller plus loin, je vous conseille :
Une biographie de Mary Anning, The Fossil Woman: A Life of Mary Anning, Tom Sharpe, 2021
Le roman Prodigieuses Créatures, Tracy Chevalier, 2010 qui raconte l’histoire d’amitié entre Mary Anning et Elizabeth Philpot
Et pour les plus jeunes : Stone Girl Bone Girl: The Story of Mary Anning of Lyme Regis, Laurence Anholt (texte) et Sheila Moxley (illustrations), 2006
Le film Ammonite, Francis Lee, 2020, avec Kate Winslet dans le rôle de Mary Anning plus âgée et en grande partie fictionnée mais qui montre bien sa ténacité.
Et un autre film sur l’obscurantisme envers les femmes : Agora, Alejandro Amenábar, 2009 autour d’Hypatie d’Alexandrie – ayant réellement existée -, philosophe et astronome confrontée à l’intolérance religieuse
Marine Moutot
Mary Anning
Réalisé par Marcel Barelli
Avec les voix de …
Histoirique, animation, France, 1h12
Cinéma Public Films
Sortie le 17 septembre 2025