Ce mardi, nous vous parlons : L’Œuvre sans auteur et Joel, une enfance en Patagonie.
L’Œuvre sans auteur – Partie 1 & 2 : Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous le régime nazi, Elisabeth May est une jeune femme libre, mais déclarée déficiente mentale. Le Professeur Carl Seeband, gynécologue SS, la stérilise et l’envoie dans les camps de concentration en Pologne, pour une mort certaine. Quelques années plus tard à la fin de la guerre et sous la RDA, Kurt Barnet, neveu d’Elisabeth et peintre, tombe amoureux d’Ellie, la fille de Carl Seeband.
À travers une fresque cinématographique de 3 h 10, séparée en deux parties, le réalisateur allemand Florian Henckel Donnersmarck (La vie des autres, 2007) décide de raconter le sens de la création artistique, mais aussi l’Allemagne pendant et après la guerre. Le long-métrage met en scène la profonde fracture sociale à travers l’art. En s’inspirant de la vie du peintre Gerhard Richter, il crée le personnage de Kurt Barnet et lui invente un passé tortueux : de parents forcés à adhérer au parti nazi pour pouvoir travailler, sa tante tuée pour déficience mentale, mais également le lien avec le SS Carl Seeband et de son obsession de la pureté de la «?race?». À travers les tableaux de Kurt «?Richter?» Barnet, une histoire se dessine. La tante morte dans un camp de concentration permet de faire vivre le récit de milliers de femmes mortes pour conserver la lignée aryenne. Mais également, à travers elle, l’ode à l’art sous toutes ses formes. Elle insuffle un brin de non-convention dans la vie de Kurt et dans le film et c’est grâce à elle que l’on ressent le plus la folie de l’art, sa transcendance. À travers le personnage du professeur Seeband, le résidu de nazisme, obsédé par la lignée pure qui fait tout pour échapper à son destin. Et à travers Kurt Banner, la liberté d’expression et le désir de liberté, par-dessus, le «?Je, Je, Je?». Peu connus, certains faits historiques sont ce qu’il y a de plus passionnant dans L’œuvre sans auteur. Car le film reste assez classique tant dans son scénario que dans sa mise en scène. En effet, les défauts inhérents aux biopics ou aux drames historiques sont présents : une linéarité dans l’écriture et une mise en scène plate, mais également aux films sur la créativité artistique : comment représenté l’artiste en action?? Cette éternelle question est d’autant plus difficile à mettre en scène qu’elle fait appel à l’inconscient. Malgré cela, le film possède un souffle puissant et nous tient en haleine. L’œuvre sans auteur a le mérite de tisser autour de Kurt Barnet, des personnages secondaires et des actions historiques intéressantes. Il n’en va pas de la vie d’un seul homme — bien que la fin de la seconde partie se resserre uniquement sur Kurt et la recherche de son art. Dans sa représentation de la création en elle-même, le deuxième chapitre n’hésite pas à faire appel à des phrases bateaux et à la fameuse toile blanche, sans pour autant rien capter de l’acte en lui-même. Mais cette partie difficile n’est pas la plus essentielle. Car finalement en créant l’histoire de sa tante — même si elle n’est présente que les trente premières minutes de la partie 1 —, le film trouve sa force dans les relations humaines — malheureusement trop centrées sur les personnages masculins. Et les yeux bleus de l’acteur — Tom Schilling qui a également joué dans l’excellent Oh Boy (2012) — semblent regarder au-delà des choses. Ce regard innocent, profond et parfois arrogant arrive à rendre Kurt consistant. Mais les personnages féminins sont tous effacés et ne sont là que pour servir l’évolution du personnage principal ou des hommes. Ellie — jouée par Paula Beer (Frantz, 2016), sublime — ne semble animée que par son amour pour Kurt et puis par son désir d’avoir un enfant. Elle est la muse, la femme-objet, le réceptacle de l’amour. Toutes ses scènes sont uniquement tournées vers Kurt et Kurt uniquement. Elle n’a pas de volonté propre à elle, ni de désir, ni de destin. Elle est la femme qui suit. Après une nouvelle fausse couche, elle ira jusqu’à dire : «Tes œuvres seront nos enfants.» Après, malgré les personnages féminins et un certain classicisme, le film réussit son pari et se révèle passionnant. Porté par un casting fort et une histoire incroyable, L’Œuvre sans auteur est à voir maintenant au cinéma. Une fresque sur l’art, la vie et la folie. M.M
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Joel, une enfance en Patagonie : Habitants d’un petit village de Patagonie, Cecilia et Diego ne peuvent pas avoir d’enfant. Arrive alors dans leur famille, Joel, 9 ans avec un passé trouble. Le garçon taciturne devient rapidement une source d’ennui pour le village.
Carlos Sorín en racontant l’histoire de l’adoption du point de vue de Cecilia décide de parler des préjugés des petits villages refermés sur eux-mêmes. Une scène dans une classe d’école où les parents lâchent tout ce qu’ils ont à dire sur Joel est d’une rare violence. Mais le problème du film est de ne jamais vraiment démarrer. Cecilia est un personnage atypique, car elle semble sans volonté propre. Elle n’arrive pas à prendre de décision sans son mari et se laisse facilement marcher sur les pieds. Elle questionne son rapport à l’enfant qu’elle n’imaginait pas comme cela. Le fait qu’il soit plus grand que prévu — le couple souhaitait un enfant de quatre cinq ans — déstabilise totalement Cecilia qui ne sait plus vraiment si elle est heureuse. Cette approche, intéressante, ne semble pas assez exploitée. Et la relation entre Joel et Cecilia n’est jamais vraiment approfondie. Tout le long-métrage est une sorte d’attente d’un mouvement de rébellion de la part de Cecilia. Finalement sans réelle fin, le récit finit comme il a commencé. Le film n’est pas désagréable, mais s’oublie vite. Et ne creuse rien dans son sillage. C’est dommage, il y a de réels moments touchants et les acteur.trice.s sont bons. M.M
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Marine Moutot
L’Œuvre sans auteur – Partie 1 & 2
Réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck
Avec Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer
Drame, Thriller, Allemagne, 1h31 – 1h39
17 juillet 2019
Diaphana
Joel, une enfance en Patagonie
Réalisé par Carlos Sorín
Avec Victoria Almeida, Diego Gentile, Joel Noguera
Drame, Argentine, 1h39
10 juillet 2019
Paname Distribution