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Près de quarante ans après la guerre, quatre anciens GI afro-américains se rendent au Vietnam pour récupérer un trésor.
Alors qu’il aurait dû présider cette année le Festival de Cannes, Spike Lee se met à l’heure de la SVoD. Avec ce nouvel opus sortit sur Netflix, il livre un pamphlet tantôt poignant mais à l’attrait globalement mitigé.
Dire que Spike Lee est un cinéaste « engagé » résulte autant de l’euphémisme que de la platitude. De Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (1986), en passant par l’incontournable Do the Right Thing (1989) jusqu’à BlacKkKlansman (2018), voici presque trente ans que le cinéaste n’aura eu de cesse de dénoncer le racisme et de porter à l’écran les luttes et la colère d’une communauté afro-américaine rejetée par les institutions de son propre pays.
5 Da Bloods s’inscrit dans cette même thématique et si Lee invoque ici les fantômes du Vietnam, c’est parce que ceux-ci permettent d’autant plus de parler des maux de l’Amérique d’aujourd’hui. Or, et malgré son ton éminemment politique, il est néanmoins dommage de s’apercevoir qu’il ressort du film une certaine fadeur. En effet, Spike Lee a beau nous ressortir tous les gimmicks qui marquent le répertoire de sa réalisation (monologue en face caméra, musique funk…), elle apparaît ici sous inspirée ; une impression d’autant plus soulignée par un montage parfois un tantinet poussif.
Toutefois, s’il y a une chose réussie dans 5 Da Bloods c’est la manière dont le film montre l’évolution subie par le groupe. Anciens GI en quête de réparation, jadis envoyés au casse-pipe pour le compte d’un conflit absurde, les quatre anciens frères d’arme incarnent les profondes divisions qui scindent aujourd’hui l’harmonie du peuple américain. C’est notamment le cas du personnage de Paul (incroyable Delroy Lindo, déjà vu dans la géniale série The Good Fight), devenu un fervent supporter de Trump et qui peine désormais à concilier son rôle de père avec la colère et les traumatismes laissés par la guerre.
Le réalisateur fait preuve de quelques fulgurances quand il s’agit d’évoquer la dualité et les contradictions de ses héros revenus presque sans états d’âme en touristes dans un pays qu’ils avaient jadis contribué à massacrer. Hélas, on aurait une fois de plus aimé que Lee utilise ses deux heures trente-quatre pour explorer ces thématiques en profondeur. Malheureusement, en lieu et place d’une analyse poussée sur la culpabilité et le passif de ses personnages, le scénario mal peaufiné préfère sur sa dernière heure basculer dans une espèce de sous Rambo en faisant la part belle à des scènes de fusillades répétitives et à des personnages secondaires complètement caricaturaux (mention spéciale à Jean Reno en french homme d’affaire very véreux).
En définitive, et en dépit de l’excellente performance de Lindo, on ne pourra qu’être un peu déçu par le traitement accordé par Spike Lee à un sujet qui aurait pu être autrement plus intéressant. On ne pourra qu’espérer que le réalisateur de Do the Right Thing saura retrouver sa vigueur et sa force politique dans son prochain opus.
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Marine Pallec
Da 5 Bloods Réalisé par Spike Lee Avec Delroy Lindo, Jonathan Majors, Clarke Peters Drame, États-Unis, 2h34 12 juin 2020 Ad Vitam