[CINÉMA] Les Maudites

image tiré du film les Maudites

Temps de lecture : 5 minutes

Présenté en compétition au PIFFF (Paris International Fantastique Films Festival) et au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer où il a reçu les Prix de la critique et du Jury jeune, Les Maudites sort aujourd’hui en salle. 

Nous y suivons trois jeunes femmes : Andrea, Marie et Camila, hantées par une présence mystérieuse et invisible. À des époques et dans des lieux différents, les trois femmes vivent la même chose. Ce mal étrange les ronge petit à petit, elles ne peuvent se raccrocher qu’à une seule chose : des pleurs stridents, semblables à un cri. 

Pourquoi voir le film ?

Une mise en scène inventive et puissante 

L’idée de départ est bonne : montrer l’horreur uniquement à travers l’objectif d’un appareil (caméra ou appareil photo). Cela permet à l’horreur de prendre le temps de s’installer. Nous nous concentrons d’abord sur les personnages féminins avant de plonger dans l’horreur de leur vie. Deux époques s’opposent et la manière de filmer change. À notre époque, l’ère du numérique, les caméras sont omniprésentes dans nos vies. Sans même nous questionner, elles font partie intégrante de nos relations. La mise en scène est donc plus calme, plus froide et les plans intègrent facilement le point de vue du téléphone ou de l’ordinateur (avec les appels vidéo). Dans la partie, en 1998, Internet commence à peine et le téléphone portable n’existe pas. Les personnages vont dans la rue. Le réalisateur voulait “montrer cette sensation à travers une caméra plus physique. Avec des mouvements rapides et fluides et plus de plans à l’épaule. Une caméra vivante, énergique, intégrée dans l’action.” 

De plus, le cinéaste espagnol Pedro Martín-Calero a travaillé avec le compositeur Olivier Arson pour compléter la mise en scène inventive par une bande son dérangeante et perturbante. La musique lie les femmes entre elles et permet aussi de tracer une ligne de conduite du récit. Le compositeur a décidé d’intégrer la voix dans ces musiques pour accentuer les cris qu’entendent les trois héroïnes. “L’un des premiers points de départ avec Pedro a été l’essai L’Inquiétante Étrangeté Das Unheimliche», 1919) de Freud, où le philosophe soulève la notion que les choses les plus dérangeantes résident dans les plus familières.” Et la voix en fait partie.

Des personnages féminins forts au prisme avec une puissance masculine perverse

Avec l’aide de la scénariste chevronnée Isabel Peña, le réalisateur montre comment trois jeunes femmes, tout juste sorties de l’adolescence, se retrouvent confrontées au monde extérieur masculin. Le personnage de l’homme, invisible à l’œil nu, prend d’ailleurs le temps de s’installer auprès d’elles, il ne les violente pas tout de suite. Il les observe, les regarde, se rapproche, puis il agit. Il frappe, puis il est doux. Et il finit par tuer. Difficile de ne pas voir dans l’histoire la métaphore de nombreux féminicides — être tuée parce qu’on est une femme — qui secouent chaque année nos sociétés patriarcales. 

Andrea, Camila et Marie sont à la fois le cœur de l’histoire et son moteur, trois femmes cherchant leur place dans le monde. Bien que leurs histoires ne se déroulent pas au même moment, toutes les trois ont un âge similaire et traversent le même genre de moment de vie dans l’histoire : ce sont des femmes qui viennent d’entrer dans le monde adulte, en plein développement de leur propre identité, lorsqu’une puissance terrible, extérieure à elles, change radicalement leur vie. Les unissant de la manière la plus terrible.” explique le cinéaste.

Les violences faites aux femmes invisibilisées 

La mise en scène permet ainsi de mettre en avant comment la parole des femmes n’est pas écoutée. Les violences montrées dans le film sont invisibles à l’œil nu, mais très réelles. Les trois héroïnes les subissent de plein fouet : l’angoisse, la crainte que cela recommence, mais sans savoir quand et ne pas savoir comment agir pour que cela s’arrête. C’est le vécu de millions de femmes battues au quotidien par des hommes. 

La maison hantée des films d’horreur, archétype du genre, est ici un banal appartement qui en apparence ressemble aux autres. Il est là, dans toutes les villes, ce lieu où les violences ont lieu.
C’est comme cet homme qui apparaît sous l’œil d’une caméra. Il est effrayant parce qu’il entre dans la zone d’intimité sans consentement. Il est toujours là. Son aspect décrépi pourrait avoir pour but de le rendre plus effrayant, mais il entre surtout en résonance avec l’âge des jeunes femmes qu’il poursuit.

Point d’histoire : les violences au sein du couple

Si pendant longtemps ce qui se passait derrière les portes closes des maisons était considéré comme relevant de l’intime, le politique a enfin eu son mot à dire. Les violences faites aux femmes ne sont pas plus ou moins nombreuses aujourd’hui, c’est juste que nous pouvons en parler et nous devons en parler. De nombreux outils existent pour aider les femmes à quitter des compagnons abusifs avant qu’il ne soit trop tard. 
Le violentomètre en est un. C’est un “outil pertinent et utile pour mesurer si sa relation amoureuse est basée sur le consentement et ne comporte pas de violences”.

Violentomètre – Source : https://www.prefectures-regions.gouv.fr/

Pour aller plus loin, je vous conseille 

L’association Nous Toutes qui lutte contre les féminicides et les violences faites aux femmes

Marine Moutot

Les Maudites
Réalisé par Pedro Martín-Calero
Avec Ester Expósito, Mathilde Ollivier, Malena Villa
Drame, Thriller, Horreur, Espagne, France, 1h47
Paname Distribution
Sortie le 21 mai 2025

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