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Le film a été découvert dans le cadre de la Berlinale 2021 en Compétition.
Il y a un an, le mari de Mina a été exécuté. Un jour, elle apprend qu’il était innocent. La justice s’excuse et lui offre une compensation financière.
En mettant en exergue une citation de la sourate Al Baqarah au début de leur film, les deux cinéastes iraniens Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha placent leur récit sous la religion et ses préceptes. En effet, dans cette sourate, de nombreuses indications sont données aux musulman.e.s pour leur vie. Ainsi quand Mina apprend que son mari a été tué à cause d’une erreur judiciaire, tout le monde lui dit que Dieu le voulait, qu’elle doit l’accepter. Quand elle fait entrer un homme chez elle, elle est expulsée. Parce que Dieu le veut. Quand on lui conseille de se remarier, comme elle est encore jeune, c’est parce que Dieu le veut. Tout, dans les gestes et les dires des personnes autour de Mina, est fait sous l’impulsion de la religion. Il est normal que le beau-frère de Mina veuille l’épouser. Mais il n’est pas normal pour une femme d’être seule. On l’expulse?! Plutôt que d’aller se réfugier chez le frère de son défunt mari, qui n’attend que cela, elle préfère chercher par elle-même, quitte à se prendre des portes : «?nous ne pouvons pas louer aux veuves, aux chiens et aux chats.?» Parce qu’ils sont impurs?? Pourtant, l’héroïne — incarnée par la réalisatrice Maryam Moghaddam — refuse de se laisser faire. Elle veut obtenir réparation pour la mort de son mari et elle veut que les juges soient condamnés. Peu importe qu’on lui donne de l’argent : que vaut la vie d’un homme??
Avec puissance et déchirement, ce récit offre, comme dans de nombreux films iraniens contemporains, une histoire d’injustice. Tout paraît absurde et l’appel de Dieu et de la religion sont autant de tromperies et de désillusions. La place de la femme est d’être proche d’un homme qui soit de sa famille ou son mari. Entre les règles étriquées d’une société hypocrite, se dessine le drame d’une femme. Quand Reza frappe à sa porte en se présentant comme un ancien ami de son mari, elle voit en lui un ange gardien. Il ne lui demande rien, il l’aide. Il ne la rabaisse pas, il la respecte. Bien évidemment, il veut racheter une faute – c’est lui qui a fait condamner le mari à la peine de mort – mais c’est le seul qui la considère comme indépendante. Rongé par la culpabilité, il prend conscience de ses actes. À travers ces deux protagonistes, c’est un système judiciaire entier qui est remis en cause. Pourquoi la peine de mort ? Cela est irrémédiable. Est-ce vraiment un droit humain que d’ôter la vie comme le prétend le supérieur de Reza?? À force de placer toutes les actions dans les mains de Dieu, les femmes et les hommes en oublient de prendre leur responsabilité. Et quand ce n’est pas Dieu, il y a toujours un être au-dessus pour se cacher derrière. Comme cette voisine qui expulse Mina en prétendant que c’est à cause de son mari paranoïaque. La seule qui assume ses actes est Mina. Jamais elle ne flanche, jamais elle ne lâche.
Elle est la femme sacrifiée sur l’autel de la religion, comme cette vache qu’Allah demande de sacrifier — selon les dires de Moïse — dans la sourate Al Baqarah. Tout au long du film, le lait est très présent : dans l’usine où Mina travaille, pendant le dernier repas. Le lait ne pourrait pas être là si les musulman.e.s tuent la vache. C’est le lait qui nous fait vivre, comme les femmes qui lient les sociétés. Ces femmes courbant sans cesse l’échine sous le poids du patriarcat, qui se cache derrière la religion.
Le Pardon est un film simple qui n’est jamais frontal ni brutal dans la dénonciation. La mise en scène est dans les détails du quotidien, dans les joies et les peines de la vie.
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Marine Moutot
Le Pardon
Réalisé par Maryam Moghadam, Behtash Sanaeeha
Avec Maryam Moghadam, Alireza Sani Far, Pouria Rahimi
Drame, Iran, 2020, 1h45
KMBO
27 octobre 2021