[CINÉMA] Arco

Tirée du film Arco

Temps de lecture : 7 min

Prix du Cristal au Festival d’animation d’Annecy cette année, le premier long-métrage d’Ugo Bienvenu vous transporte dans un avenir rétro-futuriste où le désespoir côtoie l’espoir. Écologie, social et rêve : le récit parvient à aborder tous ces sujets sans gravité, et surtout sans pathos. Ici, il n’y a pas de méchants, seulement beaucoup de personnes qui ne font rien. Au contraire, le cinéaste aux multiples talents imagine un monde où la transmission et l’entraide priment sur tout.

Nous suivons les aventures d’Arco, 10 ans, qui rêve de remonter le temps pour observer les dinosaures. À son époque, les voyages temporels existent pour permettre de découvrir les mystères du passé et apprendre des erreurs commises. À la suite d’un premier voyage mal maîtrisé, il se retrouve coincé dans un passé proche — en 2075 — dont il ne peut plus s’échapper. Il y rencontre Iris. L’héroïne, qui va l’aider, est bornée, intelligente et surtout très ancrée dans le réel. Sa rencontre avec Arco va lui redonner de l’espoir, et surtout l’envie de quitter une existence où tout semble éteint et éloigné de la nature.

Dans ce futur qui ressemble étrangement à notre présent, les protagonistes évoluent dans un univers déconnecté, où les gens vivent derrière leurs lunettes, enfermés dans des mondes virtuels, sans plus voir ni les autres ni les catastrophes qui les entourent.

Pourquoi aller voir ce film ?

Une vision optimiste de l’avenir
Catastrophes naturelles, robots nourriciers, lunettes ultra-connectées et dômes protecteurs se mêlent dans ce futur où les êtres humains n’ont jamais été aussi isolés les uns des autres. Alors que notre société tend toujours davantage à idéaliser la technologie comme solution à tous les maux, le récit prend le contre-pied de cette vision.

En faisant d’Iris et d’Arco — deux enfants de dix ans — les héros et héroïnes de son film, Ugo Bienvenu choisit de proposer une autre manière de voir le monde. Ici, le peu de nature qu’il reste devient un refuge, un lieu de rencontre inattendu face à la ville qui dévore tout. Mais plutôt que de rejeter la technologie, le film montre au contraire que l’humanité peut se nicher dans chaque chose : la nature, les êtres humains, et même les robots. Iris et son jeune frère vivent loin de leurs parents, trop pris par leur travail, et sont élevé·es par Mikki, un robot nourricier attentionné.
Si le futur dans lequel vit Iris n’est pas idéal, celui d’Arco s’apparente à une utopie presque irréalisable. Jardin d’Éden suspendu, la vie y semble simple et paisible. Les liens s’y tissent non seulement entre les individus, mais aussi avec le temps, l’espace et la nature.
Comme le souligne le cinéaste : « La science-fiction, depuis ses débuts, dépeint le monde dans lequel nous vivons, comme si elle l’avait appelé. Je me suis dit que si l’on voulait que le meilleur puisse se produire, il fallait déjà l’imaginer. » Cette vision douce et bucolique est un idéal à atteindre, une promesse d’espoir.

L’Univers d’Ugo Bienvenu
Le dessin d’Ugo Bienvenu évoque celui de René Laloux (La Planète sauvage, 1973 ; Les Maîtres du temps, 1982, dont les décors ont été réalisés par Moebius), dans un style à la fois français et japonais — influencé par Miyazaki, dont Princesse Mononoké (1997) a profondément marqué le réalisateur.

L’animation, quant à elle, est pensée comme une matière vivante. Dessinée intégralement à la main, elle privilégie le trait au réalisme, la sensation à la perfection. Le trait des dessins permet d’être au plus près des émotions des personnages. Tout a été animé en 2D, entièrement à la main. Même si certaines parties, comme les têtes des personnages ou la maison d’Iris, ont d’abord été modélisées en 3D, l’équipe d’animateur·ices a ensuite tout redessiné à la main. Ce n’est pas la perfection que recherchait Ugo Bienvenu, mais le trait juste — celui qui permet d’être au plus près des protagonistes et de leurs émotions. Le mouvement devient ici une respiration — celle d’un monde fragile, en quête d’équilibre entre nature, technologie et rêve.

Pour donner vie à ces personnages, le réalisateur s’entoure d’acteur·ices français·es à la personnalité forte et reconnaissable. Swann Arlaud prête ainsi sa voix au robot Mikki — doux, attentif — mais aussi au père, plus autoritaire et distant.
Pour incarner les trois frères un peu fous qui croient en la possibilité du voyage dans le temps, il réunit Vincent Macaigne, Louis Garrel et William Lebghil. Ces comédiens, aux univers très différents, composent une fratrie à la fois loufoque et convaincante. Mais ce sont surtout les deux jeunes interprètes principaux, Margot Ringard Oldra et Oscar Tresanini, qui donnent au film toute sa dimension humaine et émotive.
La musique tient aussi une place essentielle, presque organique. Ugo Bienvenu l’utilise comme un fil conducteur émotionnel, reliant les époques et les personnages.

À travers la sensibilité de ses personnages et la beauté de son univers, Arco touche en plein cœur : un conte écologique et humaniste qui nous invite à repenser notre lien à la nature et aux autres. Il redonne foi en un avenir possible, où la tendresse et la curiosité pourraient, peut-être, réparer le monde.

Point d’histoire : Ugo Bienvenu
“[…] avons-nous envie de nous diriger vers un monde où le faux, les apparences, remplacent le vrai ?

À 38 ans, Ugo Bienvenu a déjà exploré de nombreux domaines : la bande dessinée — une dizaine d’ouvrages, dont Préférence Système (Grand Prix de la critique à Angoulême en 2020) ou Le Journal de Mikki —, le court métrage (L’Entretien, coréalisé avec Félix de Givry), l’affiche (notamment celle du Festival d’Annecy 2017), la mode, la mini-série d’animation (Ant-Man pour Marvel), le clip ou encore les pochettes d’albums (comme celle de Tako Tsubo de L’Impératrice).
Tout son univers se retrouve et se répond dans ces différentes œuvres, créées au fil des années. Arco apparaît ainsi comme l’aboutissement d’un parcours riche et multiple : ses personnages et thématiques y entrent en résonance avec ses propres questionnements. Le Cristal du long métrage remporté au Festival d’animation d’Annecy cette année, plus haute distinction du festival, est amplement mérité.
Arco a été produit et coécrit avec Félix de Givry, avec qui il a cofondé en 2018 le studio parisien Remembers. En 2023, alors que le scénario est terminé et qu’une première version animée du storyboard, un peu brouillonne, d’une quarantaine de minutes est déjà prête, Sophie Mas et Natalie Portman rejoignent le projet et participent à la recherche de financements. Le processus s’accélère et le film, entièrement tourné à Paris, est fini en 2025 grâce à une équipe motivée.

Par son regard à la fois lucide et plein d’espérance, Ugo Bienvenu interroge notre époque sans cynisme, rappelant qu’imaginer le futur, c’est déjà une manière d’agir sur le présent.

Pour aller plus loin, nous vous conseillons :
Toutes les œuvres d’Ugo Bienvenu (bandes dessinées, pochettes d’album, dessins…)
Jean-Marc Jancovici, Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, Dargaud, 2021

Toutes les citations sont tirées du dossier de presse produit par Diaphana Distribution

Marine Moutot


Arco
Réalisé par Ugo Bienvenu
Avec les voix de Swann Arlaud, Alma Jodorowsky, Margot Ringard Oldra
Science-fiction, animation, France, 1h28
Diaphana Distribution
Sortie le 22 octobre 2025

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